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I - Luttes :
Contre des médecins du travail soumis au patronat

A l'ancienne usine CMMP d'Aulnay-Sous-Bois (glossaire)

A La Tour Albert , à la Comédie Française, au CHU de Caen

En Bretagne (un exemple à suivre contre les décharges sauvages)

Sur le plan pénal

Expériences de lutte pour la prévention (à Orly, à Plouguerneau)

II - Points d'histoire amiante :

Amisol à Clermont-Ferrand

Condé sur Noireau


L'ancienne usine CMMP d'Aulnay-Sous-Bois

mur encore blanc de poussière en 2007

intérieur de l'ex-usine tapissé de poussière en 2006
 

  toute l'histoire sur cette ancienne usine d'amiante ici

Expérience de la lutte à Aulnay

Ce dossier relate l'expérience de deux individus, seuls au départ, aidés par Ban Asbestos France puis par tout un collectif d'associations. Il s'agit d'un véritable mouvement citoyen qui s'est créé face à la convergence de différents facteurs s'enchaînant au fur et à mesure du temps, à la motivation, à la volonté, à l'acharnement et qui a fait se rallier de plus en plus de gens venant d'horizons différents sur les mêmes objectifs, avec leur sensibilité propre. Cette expérience de lutte est d'une extrême richesse, une force d'invention et d'action capable de tenir tête aux experts et aux spécialistes, comme c'est le cas.

Cette bataille a nécessité :

Un véritable travail de fourmi de la part de la soeur et du beau-frère de Pierre, pour la recherche d'informations

  • auprès des riverains du site non décontaminé (à partir des noms des riverains pétitionnaires contre les nuissances de l'usine en activité, recherche sur le bottin téléphonique des personnes toujours présentes en cette année 1996, contacts téléphoniques, porte à porte)
  • au service du cadastre en Mairie détenant un dossier sur les usines déclarées insalubres et dangereuses, des archives municipales pour la compilation des compte-rendus des conseils municipaux (relatant mot à mot les séances des élus et à la disposition de tout citoyen quelque soit son lieu de résidence)
  • à la préfecture de Seine-Saint-Denis
  • aux archives du journal local Le Parisien
  • aux archives des pompiers de Paris (un incendie ayant eu lieu en 1962)
  • par des courriers au STIIIC (service technique interdépartemental d'inspection des installations classées d'Ile de France), aux ministères de la santé, du travail et de l'environnement.

Un travail de donneurs d'alerte auprès de toutes les personnes concernées avec l'aide sollicitée ou spontanément apportée par :

  • les militants des associations
  • la directrice de l'école maternelle (convaincue à la lecture des premiers documents que son école se trouve à côté d'une sorte de bombe à retardement)
  • les avocats des associations, compétents et chaleureux, ne demandant pas d'avance de frais sur les demandes d'indemnisations, pour les victimes de l'amiante, faites tant auprès du FIVA (fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante) ou auprès du TASS (tribunal administratif de la Sécurité Sociale) pour les reconnaissances en maladie professionnelle ou pour les plaintes au pénal ; c'est seulement sur les sommes gagnées qu'ils prennent leurs honoraires (conditions déterminantes sans lesquelles les actions en justice n'auraient pas pu être envisagées).
  • le tout premier article de presse dans la revue mutualiste "Viva", suivi par la presse locale "Le Parisien" puis par la presse nationale de radio et de télévision.

La Comédie Française à Paris

La Comédie Française

a été condamnée pour

"faute inexcusable de l'employeur"

le 31 avril 2009 et le 25 février 2010

par la Cour d'Appel de Paris

Décembre 1978 : sur deux échantillons de flocage des locaux de ce prestigieux théâtre transmis pour analyse par un technicien du conditionnement d'air à Henri Pezerat, directeur de l'équipe de cristallochimie du laboratoire de chimie des solides de Paris VI, l'un contient bien de l'amiante. L'alerte est donnée mais elle dérange direction de l'établissement et comité d'établissement et elle se heurte à une dénégation du risque comme cela est souvent le cas.

1979 : la direction fait réaliser des prélèvements d'air par le laboratoire de la chambre syndicale de l'amiante qui ne dispose pas de microscope électronique permettant de déceler la présence des fibrilles les plus petites. Cependant, les résultats sont suffisamment probants pour permettre au contrôleur de sécurité de la CRAMIF (Caisse Régionale d'Assurance Maladie de l'Ile de France) d'obtenir que le théâtre entreprenne des travaux : en avril, en l'espace de deux jours seulement et sans confinement de la zone de travail, un enduit est projeté sur les parties les plus exposées d'un grand local technique entièrement floqué d'amiante ; en Août, l'une des principales sources de pollution de la salle et de la scène, le boudin d'amiante au bas du rideau pare-feu d'avant-scène, est réparé (il sera changé en Avril 1980 contre un autre boudin d'amiante qui se dégradera à nouveau jusqu'en 1994 date de son remplacement). Mais, dans la même période, dans les ateliers de décors, on découpe encore des plaques d'amiante.

1982 : dans le cadre d'une section syndicale, deux techniciens du conditionnement d'air rédigent et distribuent un feuillet d'information sur l'amiante, son origine, ses caractéristiques, ses maladies, la nécessité et les moyens de s'en protéger. Ils demandent au Comité d'Entreprise et à la direction l'arrêt de l'utilisation de l'amiante, le retrait des objets qui en contiennent et une protection efficace des flocages. Ils avertissent qu'ils n'interviendront plus dans le local le plus pollué.

Janvier 1983 : sous la pression, la direction fait refaire de nouveaux prélèvements cette fois analysés par le LEPI (Laboratoire agréé amiante) qui décèle une contamination élevée dans l'air de la fausse-coupole et moindre dans la coupole. Le service du conditionnement d'air du théâtre obtient le remplacement des toiles d'amiante utilisées sur les projecteurs de la scène par un textile en fibres de silice amorphe (trouvé sur le conseil d'Henri Pezerat).

1984 : quand commence enfin le chantier demandé depuis 2 ans, la société intervenante entame des travaux sans réaliser le confinement du chantier. Pas de mesure de protection de l'environnement. Pas de mise en dépression. Les techniciens de la climatisation multiplient les mises en garde sans éveiller l'attention d'aucun responsable quelqu'il soit. En désespoir de cause, ils arrêtent le travail en faisant valoir leur droit de retrait de la situation dangereuse. Le contrôleur de sécurité de la CRAMIF intervient et oblige à mettre le chantier en conformité. En dépit de l'information faite en interne par les techniciens, malgré les recommandations explicites de la CRAMIF, plusieurs travaux dégraderont ensuite les flocages qui avaient été protégés, libérant de fortes pollutions lors des interventions réalisées par des ouvriers non informés du danger.

Hiver 1992 : dans une lettre adressée à la direction, au service médical, aux syndicats et aux élus, les techniciens du conditionnement d'air informent de la nouvelle situation. Ils réclament de nouveaux travaux de protection, des équipements de protection, le nettoyage des locaux pollués et le suivi médical des personnels exposés (l'une des recommandations de la CRAMIF en 1984).

Février 1993 : avant la visite de l'inspecteur de la CRAMIF, la direction fait enlever à l'aspirateur, par les employés de l'entreprise de nettoyage, les chutes de flocage amianté d'un récent chantier. L'inspecteur de la CRAMIF constate le non respect des mesures de sécurité, demande des travaux d'enlèvement des flocages et l'observation des mesures de sécurité recommandées en 1984.

Juillet 1993 : les analyses réalisées par le LEPI confirment la réalité de la pollution des locaux techniques.

Octobre 1993 : le nécessaire pour le suivi médical des personnels exposés n'ayant pas été fait, contrairement à qu'il avait été dit au CHSCT, les techniciens du conditionnement d'air écrivent une mise au point et réclament des travaux.

Hiver 1994 : prévus pour l'été, les travaux de déflocage sont supprimés sans en informer le CHSCT et les personnels. Les techniciens du conditionnementd'air s'inquiètent et avertissent qu'ils ne remettront pas en service les installations de climatisation si les travaux ne sont pas réalisés. Les travaux sont reprogrammés.

Eté 1995 : les travaux sont correctement menés mais une intervention de correction est remise à plus tard comme le dépoussiérage des locaux techniques. De nouveaux prélèvements d'air sont effectués en dehors de toute activité (ni mouvement des personnels, ni vibrations, ni climatisation) faussant donc les résultats des analyses annoncées " négatives ".

Les années passent laissant se disséminer des particules dangereuses dans l'atmosphère. Et ce qui devait arriver malheureusement arriva !

En 2003, quinze ans après son entrée à la Comédie Française, un électromécanicien de la scène devenu l'un des techniciens du conditionnement d'air est atteint d'un cancer broncho-pulmonaire. Non suivi médicalement, il est dépisté à un stade avancé. Pour comble, sa formation et sa fonction l'avaient conduit à s'impliquer dans le combat contre l'amiante. C'est donc l'un des acteurs de l'alerte et de la prévention, et le plus jeune, qui a été victime de l'intertie générale. Il décède 7 mois après, à l'âge de 35 ans, laissant une veuve avec une petite fille. Si l'exposition à l'amiante avait été admise, il aurait bénéficier du contrôle médical spécial auquel il avait droit et sa maladie aurait pu être diagnostiquée plus précocement lui laissant une chance de survie. Sa veuve a dû se battre pour obtenir la reconnaissance de la maladie professionnelle de son mari et a décidée ensuite de porter plainte pour " faute inexcusable de l'employeur ", ce dernier niait ses responsabilités. Dans son délibéré du 20 Février 2007, le Tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS) a reconnu la " faute inexcusable " de la Comédie Française et a condamné celle-ci à un préjudice global de 170 000 euros pour la famille au titre du préjudice moral, sans oublier des indemnités à la veuve, la fille et même aux parents de la victime.

D'autres victimes sont également décédées : un menuisier d'un mésothéliome, un salarié des Ateliers de décors et un directeur de la scène ont été victimes d'un cancer broncho-pulmonaire. Un cintrier est mort en avril 2003 d'une fibrose pulmonaire 8 ans après avoir pris sa retraite. Désemparée, sa femme chercha de l'aide auprès de la Comédie Française. On la laissa à la porte. Personne ne voulu la recevoir. Elle n'obtiendra les informations nécessaires au traitement de son dossier qu'à l'occasion d'une rencontre fortuite, près de deux ans plus tard, à quelques semaines de l'échéance fixée par la Sécurité Sociale pour la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle.

Combien de personnes ont été au contact des fibres mortelles ? "Si l'on compte le personnel technique, le personnel de salle, les comédiens, figurants et musiciens, et le rtenouvellement important dans le théâtre, il s'agit de centaines de personnes" estime un syndicaliste CFDT. Cela pose un grave problème, celui du suivi médical. Pour l'instant, une vingtaine de personnes seulement sont suivies depuis 2004 : les services sécurité et climatisation et quelques électriciens ...". La direction a rédigé un questionnaire pour les salariés de plus de 50 ans. Mais les autres, plus jeunes ou retraités ?

Fin 2005 : une commission amiante a été mise en place et a dressé un inventaire des emplacements où il y a toujours de l'amiante. Tenter de montrer, mais un peu tard, combien l'administration se souciait de la santé des personnels ?

Le problème de l'amiante en place demeure !

Et ceci sans tenir compte de la pollution subie par les spectateurs eux aussi exposés dans les promenoirs, les escaliers en contact direct avec les conduits de désenfumage floqués ou dans la salle même en particulier aux premiers rangs de l'orchestre et à certaines places proches de la bouche de ventilation.

Patrick Herman (président de Ban Asbestos France) qui suit ce dossier depuis des années dit : " On peut dès lors s'interroger sur l'incroyable légèreté avec laquelle ce problème a été traité depuis trente ans. Ce qui vient en premier lieu à l'esprit, c'est le coût, qui explique la succession d'interventions partielles, de protections au rabais et l'absence de confinement lors de certains travaux. Attaquer le problème de fond impliquait aussi l'arrêt de l'activité de la salle pour un certain temps, déséquilibrant ainsi le budget de l'institution. La " santé " financière de l'établissement contre la santé tout court de personnes exposées à une pollution diffuse, invisible et à effet retardé : le choix a donc été fait. Celui aussi de préserver la réputation de la maison…"

De son côté Henri Pezerat, directeur de recherche au CNRS aujourd'hui à la retraite, livre son analyse : " c'est l'exemple parfait d'une quantité de situations où il y a une exposition masquée, complètement ignorée des gens qui la subissent. Et c'est l'exemple de cette invisibilité tout à coup révélée. Cela permet de remettre en question une affirmation qui traîne chez bon nombre de médecins selon laquelle les cancers, on n'en connaît pas vraiment l'origine. On met en avant les dysfonctionnements de l'organisme. Quant à parler de l'exposition à un agent cancérogène … D'où cette idée que l'on retrouve ici ou là, dans des publications scientifiques, sur les mésothéliomes dits " spontanés " apparaissant dans la population. Cela évite de les attribuer à l'amiante, faute d'avoir mené une enquête suffisante pour en déterminer l'origine. "

2007 : dans l'affaire de l'amiante, dit Patrick Herman, il y a un choix à faire entre " la mémoire ou l'oubli ", " la responsabilité ou le hasard ", " la santé ou l'argent ", " le courage ou l'inertie ". (Lire l'article de Patrick Herman " La mort en coulisses " dans Témoignage Chrétien n° 3242 du 1er Mars 2007, dont nous publions des extraits ci-dessus).

Pour la seconde fois en quelques mois, l'institution-phare d'une certaine "culture française" s'est retrouvée au Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale (TASS) pour répondre de l'accusation de faute inexcusable. Une première action avait été intentée par la veuve de F. D, électricien à la Comédie Française, décédé d'un cancer broncho-pulmonaire. Le jugement rendu par le TASS d'Auxerre a lourdement sanctionné la "grande maison" qui a fait appel.

2008 : le 21 Février 2008 était audiencée à Nanterre la plainte de Madame D. dont le mari, machiniste/cintrier ayant fait toute sa carrière dans l'établissement, est décédé le 27 Avril 2003 d'une fibrose diagnostiquée dès 1980. Avocate de la famille, Maître Sylvie Topaloff a rappelé tous les éléments d'un dossier accablant pour l'employeur qu'est La Comédie Française, depuis le certificat médical de demande de reconnaissance en maladie professionnelle jusqu'aux interventions à répétition du CHSCT, de la CRAMIF, etc ... "Un dossier surdocumenté sur la conscience du danger" a conclu Maître Topaloff. En réponse, l'avocate de la Comédie Française a tenté de discréditer les témoignages versés au dossier de Mr D, tout en minimisant les sources de pollution à l'amiante présentes dans le bâtiment et en essayant de présenter ce dernier comme une succession de compartiments "étanches" hors de portée de toute fibre mortelle. Avant de sortir son joker : le certificat d'un médecin "indépendant" (sic) ayant réinterprété le dossier médical de Mr D, sans accord de la famille et en violation du secret médical. Parmi cette réinterprétation, il faut noter "l'hypersensibilité aux oiseaux" car Mr D. avait un serin chez lui. On ignorait jusqu'alors que la plume d'oiseau provoquait des fibroses pulmonaires ! Le Procés pour "faute inexcusable de l'employeur" qui devait avoir lieu en Juin 2007 et qui avait été reporté à la demande de la Comédie Française une première fois en Octobre puis en Décembre, s'est déroulé le jeudi 21 Février 2008. Le jugement a été rendu le 17 Avril 2008 et il a débouté la famille de la victime au motif de la particularité de l'activité culturelle du théâtre et en considérant que la direction avait fait le nécessaire en matière de sécurité. Pourtant, qu'il s'agisse d'un spécialiste de l'amiante ou d'un simple utilisateur, l'employeur est tenu à la même obligation de sécurité d'après la réglementation. D'autant que l'équipe des climatiseurs, dont un spécialiste en conditionnement d'air, ont en permanence alerté sur le danger, dès 1978. La famille de la victime ont décidé de faire appel à ce jugement. Le dossier a été transmis à la Cour d'Appel de Versailles.

2009 :

L'audience en Cour d'Appel de Versailles sur le dossier C.D. (cintrier) devait se dérouler le 7 Mai. Mais il a été demandé un report à la rentrée et le juge en a programmé la date au 24 Novembre 2009.

Quant au premier procès pour "faute inexcusable de l'employeur" qui a condamné la Comédie Française, l'audience en Cour d' Appel a eu lieu en Juin 2008 et le jugement devait être prononcé en Septembre 2008.  Il a été reporté à sept reprises pour être enfin pris le 31 Avril 2009. La décision de la Cour d'Appel de Paris confirme la condamnation de la Comédie Française pour "faute inexcusable de l'employeur". Ban Asbestos France a fait un communiqué de presse le 10 Juin 2009 sur ce dossier. Tenant compte de la jurisprudence de la Cour d'Appel de Paris, la faute inexcusable de la Comédie Française devrait légitimement reconnue une deuxième fois.

2010 :

Le 25 Février 2010, la Comédie Française a été pour la deuxième fois condamnée par la Cour d'Appel de Paris pour "faute inexcusable de l'employeur" dans le dossier du cintrier victime de l'amiante.

2014 :

En 2006, les contrôles révélaient encore une présence préoccupante de fibres d'amiante dans l'air des locaux. D'importants travaux dans le dôme (coupole amiantée) de la salle prestigieuse Richelieu se sont déroulés de mai 2011 à septembre 2012. Ban Asbestos France souhaitait donc savoir, comme la réglementation amiante lui en donne le droit, si l'amiante avait enfin été totalement extirpé et, dans ce but, elle écrivait à la direction de la Comédie le 22 janvier 2013 demandant communication du DTA (dossier technique amiante). Sans réponse, elle saisissait la CADA (commission d'accès aux documents administratifs) le 28 mars 2013, service auprès du Premier Ministre, chargé d'obliger les administrations récalcitrantes (loi du 17 juillet 1978) à fournir les documents réclamés. Se voyant donc contrainte, la Comédie Française transmettait pour tout désamiantage, usant d'un subterfuge, le dossier de retrait de 4 mètres carrés de carton amianté dans la salle Richelieu ; ainsi, laissait-elle croire à la CADA la transmission des documents demandés comme cette dernière en informait Ban Asbestos le 16 avril 2013. Le 28 mai 2013, l'association dénonçait la supercherie auprès de la CADA, avec relance le 26 octobre 2013, et le 3 janvier 2014, la CADA réagissait enfin en nous invitant à réclamer à la Comédie Française la liste des éléments manquants ; ce que Ban Asbestos a fait le 9 janvier 2014. La Comédie Française s'estime dédouanée de ses responsabilités de sécurité envers le public et ses personnels prétextant de sa mission culturelle ! Conception bien étrange ..... La saga continue donc (lire l'historique du dossier Amiante à la Comédie Française à la page "luttes/histoire").

 



CHU de CAEN
Imposante tour de béton de 100 mètres de haut construite dans les années 1970, le Centre Hospitalier Universitaire de Caen, immense bâtisse vieillissante, est truffé d’amiante. Pas moins de 175 000 m2 de locaux amiantés accueillent, avec ses 6000 agents, 57000 patients chaque année. Les locaux techniques du 2ème, 4ème et du 23ème étages comportent des milliers de m2 de flocage mou et calorifugeages d’amiante très dégradés qui partent en lambeaux. Faux-plafonds, gaines techniques parcourant l’ensemble des locaux sont en progypsol (plâtre amianté), « crépis » qui se détache par plaques sous l’effet de l’humidité, condensation, vibrations ou parce que mal accroché sur du béton lisse. Le calorifugeage des kilomètres de la tuyauterie, dégradé, blessé, détérioré, libère inévitablement des fibres. Il est facile de comprendre que ces fibres, microscopiques mais redoutables, migrent dans les locaux, poussées par les mouvements d’air, les communications, ouvertures, le phénomène de piston de va-et-vient dans les trémies des innombrables ascenseurs. S’ajoutent à cela les inévitables vibrations d’un immeuble de grande hauteur.

Janvier 2011 : le tribunal administratif donne raison à un salarié anti-amiante. Le tribunal administratif de Caen a donné raison à un salarié, par ailleurs partie civile contre son employeur dans une affaire d'amiante, que le CHU de Caen voulait mettre à la retraite d'office. Il y a deux semaines, le rapporteur public du Tribunal administratif avait approuvé lors d'une audience au fond la sanction de mise à la retraite d'office. Le tribunal l'avait désapprouvée en référé à deux reprises, en août et en juin, estimant "insuffisante" la motivation du CHU dont les bâtiments comportent de l'amiante en quantité. Selon les éléments transmis à l'AFP par le comité "amiante et sécurité", le Tribunal écrit notamment "qu'en prononçant la sanction de mise à la retraite d'office qui est, après la révocation, la sanction la plus grave qui puisse être infligée à un fonctionnaire, le directeur a pris une sanction disproportionnée". Recruté par le CHU en 1979, Serge Vautier, 58 ans, préside l'association Amiante et sécurité, qui regroupe les plaintes dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en juillet 2009 à Paris pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui à l'égard des usagers et salariés dans le dossier de l'amiante au CHU de Caen. Souvent en arrêt maladie notamment pour dépression ces dernières années, M. Vautier avait été un des premiers à dénoncer la situation du CHU de Caen. Reconnu comme le plus amianté de France, il doit être reconstruit. BAN ASBESTOS FRANCE se réjouit de cette victoire.

Décembre 2010 : communiqué de presse du 23 décembre : La direction du CHU de Caen s'acharne sur le donneur d'alerte, technicien de la sécurité à la "tour galette" du CHU de Caen, Serge Vautier qui n'a pas cessé, à juste titre, d'alerter durant de nombreuses années sur les dangers de l'amiante dont est littéralement truffé le bâtiment. En réagissant ainsi, il n'a fait que son devoir d'alerte inscrit dans le code de procédure pénal (article 223-7) : "quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant sans risque pour lui ou pour les tiers de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes, est puni de 2 ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende" . Aujourd'hui, la direction du CHU veut toujours le lui faire payer ? elle aurait été plus inspirée d'agir en temps et en heure face au danger imminent de contamination à l'amiante dans ses locaux. Ci-joint le communiqué de presse de l'AFP repris par Romandie news et celui du syndicat UNSA du 17 décembre.

Septembre 2010 : la ministre de la santé a annoncé le 27 septembre que le CHU, truffé d'amiante, serait reconstruit. Les travaux devraient commencer d'ici 2 ans et le nouvel hôpital ouvrirait 8 à 10 ans plus tard a précisé la direction. Malgré les travaux réalisés, le danger est toujours présent au CHU pour les personnels et les patients.

Août 2010 : La justice ordonne la réintégration d'un agent de sécurité du CHU de Caen (©AFP / 27 août 2010 15h19) : Le tribunal administratif (TA) de Caen a ordonné vendredi la réintégration au sein du CHU de Caen de Serge Vautier, un agent de sécurité partie civile dans l'affaire de l'amiante dont est truffé l'hôpital, mis à la retraite d'office en juillet pour la deuxième fois. C'est la deuxième fois que le tribunal administratif décide de faire réintégrer Serge Vautier, 58 ans, qui préside l'association Amiante et Sécurité, défendue par le médiatique avocat Gilbert COLLARD. "L'exécution de la décision du 21 juillet 2010 par laquelle le directeur général du CHU de Caen a mis M. Vautier à la retraite d'office est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête tendant à son annulation", a considéré le tribunal administratif qui statuait en référé jeudi. Cette décision "me permet de reprendre mon emploi, mais ça permet surtout de rendre crédible mon action au sein d'Amiante et Sécurité qui regroupe les 200 plaignants contre le CHU de Caen pour mise en danger de la vie d'autrui", a expliqué Serge Vautier. "C'est la deuxième décision du TA qui va dans ce sens, le directeur du CHU ne devrait pas recommencer", a-t-il estimé. Le CHU de Caen reprochait à M. Vautier son comportement et sa façon de servir, des manquements à l'obligation de réserve et des insultes et menaces à l'encontre d'autres agents. L'agent, déjà mis en retraite d'office en avril, avait bénéficié en juin de la suspension de cette décision. Il avait repris ses fonctions début juillet avant d'être à nouveau mis à la retraite d'office. Une information judiciaire a été ouverte fin juillet 2009 à Paris contre X pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui à l'égard des usagers et salariés dans le dossier de l'amiante au CHU de Caen.

4 juin 2010 : Suspension de la retraite d'office (©AFP / 04 juin 2010 16h10) CAEN - "Le tribunal administratif de Caen a décidé vendredi de suspendre la mise à la retraite d'office d'un agent de sécurité du CHU de Caen, par ailleurs partie civile dans l'affaire de l'amiante, instruite à Paris, dont est truffé l'établissement. Dans une ordonnance de référé dont l'AFP a obtenu copie, le tribunal ordonne la suspension de la décision prise en avril dernier par le CHU de Caen de mettre à la retraite d'office Serge Vautier, 58 ans, pour "perturbations du fonctionnement normal du service".Le tribunal souligne que "l'insuffisance de la motivation" de cette décision est de nature à "créer un doute sérieux" sur sa légalité. Et la suspension de cette décision se justifie car cette mise à la retraite d'office "entraîne une diminution de rémunération de l'ordre d'un tiers" pour M. Vautier. En attendant qu'une décision soit prise sur le fond, le tribunal a ordonné la réintégration de l'agent au CHU. Jeudi, le directeur de l'hôpital, Angel Piquemal, a expliqué à l'audience que "le CHU ne peut absolument pas compter sur un agent de sécurité qui bafoue systématiquement la procédure"."Je l'ai constaté moi-même. M. Vautier ne porte jamais son vêtement de travail. Il est venu me voir en jean et chemisette", a poursuivi M. Piquemal. A plusieurs reprises en arrêt maladie pour dépression, M. Vautier estime avoir été mis "au placard" en 2006 à la maison de retraite du CHU, dans un bâtiment distinct de l'hôpital.Du fait de cette mise à la retraite d'office, il a expliqué ne plus avoir que 900 euros net de revenu mensuel contre 1.600 avant sa retraite d'office et plus de 2.000 avant 2006.M. Vautier est membre d'une association qui collecte les plaintes dans le cadre de l'information judicaire ouverte fin juillet 2009 contre X pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui à l'égard des usagers et salariés dans le dossier de l'amiante au CHU de Caen." Ban Asbestos se félicite de cette décision. A l'heure actuelle, la direction du CHU ne répond plus aux compléments de dossiers demandés par notre association.

Mai 2010 : la lettre du 13 avril à la Haute Autorité de Santé est restée sans réponse. La Haute Autorité a même décidé de renouveler la certification du CHU permettant ainsi de poursuivre l'exploitation en l'état alors que le danger est toujours présent. La santé des personnels et des patients ne devrait-elle pas pourtant être la priorité ?

13 avril 2010 : lettre de Ban Asbestos à la Haute Autorité de Santé demandant le désamiantage et, le cas échéant, la démolition du bâtiment actuel avec copie à tous les intéressés.

13 avril 2010 : réponse de Ban Asbestos à la lettre du 23 mars du CHU de Caen sur l'amiante dans l'établissement. Si le 10 mai prochain la Haute Autorité de Santé renouvèle la "certification" du CHU, l'activité hospitalière se poursuivra en l'état. Ban Asbestos va donc contacter cette autorité.

8 avril 2010 : communiqué de presse (sanction disciplinaire au CHU de Caen)

1er avril 2010 : Ouverture d'une information judiciaire à Paris (dépêche AFP). PARIS - Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui à l'égard des usagers et salariés dans le dossier de l'amiante au CHU de Caen, a-t-on appris jeudi de source judiciaire. Cette information judiciaire, ouverte fin juillet 2009, a été confiée au juge d'instruction Didier Peltier, du pôle de santé publique, a-t-on précisé, confirmant des informations d'un hebdomadaire de Caen, Liberté. Huit plaintes, émanant de six employés ou ex-salariés du CHU et de deux agents d'une société extérieure, avaient été déposées en 2006 pour "atteintes involontaires à l'intégrité des personnes et mise en danger d'autrui". Le dossier avait été transmis fin 2006 à la section santé publique du parquet de Paris qui regroupe les procédures pénales relatives à l'amiante. L'alerte sur les dangers liés à la présence d'amiante dans le CHU avait été donnée en 2006 par un technicien responsable de la sécurité qui s'était inquiété de la dégradation des flocages d'amiante dans l'un des étages abritant de nombreuses installations techniques. Des travaux de désamiantage ont été lancés en 2007. Le plan à l'époque prévoyait des travaux durant une dizaine d'années dans le cadre d'un programme évalué à 120 millions d'euros. Six employés ou ex-employés du CHU ont été reconnus porteurs de plaques pleurales dues à l'amiante.

1er Avril 2010 : Article de presse dans l'hebdomadaire "Liberté" : Maître Collard s'empare du dossier de l'amiante au CHU de Caen !

19 février 2010 : Ban Asbestos confirme le danger de l'amiante au CHU (lettre de Ban Asbestos)

1er février 2010 : Procédure disciplinaire au CHU de Caen contre un technicien de sécurité (communiqué de presse de Ban Asbestos)

25 janvier 2010 : Après une première étude du DTA du CHU de Caen, nouveau courrier de Ban Asbestos au directeur le 25 janvier 2010.

7 janvier 2010 : Réponse du CHU de Caen (aucun des documents demandés n' y étaient joints). Nouvelle lettre de Ban Asbestos le 18/01/2010 reprenant la réalité de nos demandes sur le dossier technique amiante (DTA) en vue d'examen.

20 août 2009 : Réponse du directeur du CHU à notre lettre du 3 août 2009 et nouveau courrier de Ban Asbestos le 23 décembre 2009 

19 juin 2009 : Communiqué de presse sur l'amiante au CHU de Caen (une réglementation bafouée depuis 12 ans)

 



Le délit de mise en danger délibérée d'autrui
" L'administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui est punie des peines mentionnées aux articles 222-7 à 222-14 suivant les distinctions prévues par ces articles " (Article 222-15 du Code de Procédure Pénale).

" Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de

100 000 Francs d'amende. " (Article 223-1 du Code Pénal).

Le délit de mise en danger d'autrui a été introduit dans le Code de Procédure Pénale en 1994. Il a pour but de sanctionner les situations d'inobservation d'une législation de prévention. Le domaine de la santé et de la sécurité au travail est particulièrement visé, même si certaines conditions introduites par le législateur tendent à en restreindre la portée.

Dans le domaine de l'amiante, les conditions permettant de qualifier le délit de mise en danger -délibérée- d'autrui apparaissent réunies. Pourtant, les procédures pénales engagées depuis 10 ans à l'initiative des victimes ou de leurs familles contre les principaux industriels de l'amiante (Eternit, Saint Gobain, Amisol, notamment) ont stagné tout d'abord dans le bureau des juges d'instruction d'Ile de France et de Province avant d'être regroupées en 2005 au pôle " Santé Publique " du Tribunal de Grande Instance de Paris.

Pourtant, depuis, l'administration judiciaire ne s'en saisit pas. Pourquoi cette inertie qui laisse perdurer l'impunité des industriels de l'amiante ? C'est la justice à deux vitesses qui montre le refus du pouvoir politique, alors qu'il en a les moyens judiciaires à travers le Ministère de la Justice et son Garde des Sceaux , d'ouvrir un procès des industriels de l'amiante obligeant ces derniers à répondre de leurs actes et des stratégies criminelles d'atteinte à l'intégrité d'autrui en matière de risque toxique. Le pouvoir politique a choisi, en 2000, la création d'un fond d'indemnisation des Victimes de l'Amiante comme lot de consolation pour les victimes et leurs familles alors que c'est en premier lieu la justice qu'elles réclament (le FIVA peut se retourner contre les industriels connus pour récupérer les sommes versées comme indemnisations mais il ne le fait pas !).

Les seules actions pour mise en danger d'autrui engagées et gagnées par des personnes exposées à l'amiante l'ont été contre des entreprises comme la RATP et ALSTOM . Pourtant, les anciens d'Eternit, de Saint Gobain, des chantiers navals militaires et civils, de la sidérurgie et bien d'autres encore ont, comme les anciennes ouvrières d'Amisol, porté plainte devant la justice pénale ...

lisez (à partir de la page 18) le jugement contre Alstom

Ci-après le commentaire des avocats qui ont plaidé le dossier contre Asltom : 

"Le jugement rendu le 4 Septembre 2006 par la 8ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de LILLE, constitue une avancée dont il convient de bien mesurer la portée.

1 - Cette avancée était annoncée par la durée exceptionnelle des débats. C'est sans doute la première fois qu'un Tribunal Correctionnel accorde 4 jours à l'examen d'infractions à la réglementation du travail, en l'absence de victimes présentant des dommages corporels constitués (blessures, maladie ou mort). Pour la première fois une Juridiction prend en considération des dommages prévisibles à venir et évalue la gravité de la situation comme si les dommages avaient déjà eu lieu.

2 - C'est bien entendu au-delà de l'affaire de l'amiante, d'une nouvelle méthodologie juridictionnelle qu'il s'agit, applicable aux questions sanitaires auxquelles seront confrontées les Juridictions du 21ème siècle, en particulier dans le domaine des cancérogènes, des mutagènes et des reprotoxiques.

3 - Cette innovation est rendue possible par la combinaison de deux facteurs :

- l'utilisation de l'article 223-1 du Code Pénal (délit d'exposition d'autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure), instrument privilégié de la répression des risques au travail et plus généralement des risques technologiques (parce qu'il permet une intervention judiciaire immédiate, sans attendre les effets pathogènes de l'exposition au risque) ;

- la constitution de partie civile (à l'initiative des syndicats et associations) systématique de l'ensemble de la population exposée avec une demande de dommages intérêts qui ne se limite pas à un niveau symbolique, mais prend en compte la réalité du traumatisme collectif auquel cette population est exposée. La combinaison de ces deux éléments entraîne un effet dissuasif sur le plan financier que les textes répressifs en leur état actuel se révèlent incapables d'atteindre.

Nous travaillons sur des situations semblables qui semble-t-il se sont multipliées depuis l'interdiction de l'amiante, à l'occasion notamment de destructions sauvages de fours, sans respect des réglementations applicables, dont plusieurs exemples nous ont été signalés…

Nous tenions à vous faire part de ces premières observations sans préjudice d'une réflexion plus large à engager sur la portée et les conséquences pratiques du jugement du 4 Septembre.

Un dernier mot pour indiquer que sans la détermination, le courage et la compétence de l'Inspectrice du Travail, un tel résultat n'aurait pas été possible.

Jean-Paul TEISSONNIERE - Sylvie TOPALOFF - François LAFFORGUE, le 6 Septembre 2006.


La cour d'appel de Douai a confirmé, le 6 Mars 2008, la condamnation de la société Alstom, à une peine de 75 000 euros d'amende pour avoir sciemment laissé les 300 salariés de l'usine en contact avec de l'amiante en toute connaissance des risques de 1998 à 2001, et a condamné un ancien directeur de l'usine de Lys-lez-Lannoy à 3 mois de prison avec sursis (au lieu de 9 mois avec sursis en première instance) pour mise en danger de la vie des salariés au contact de l'amiante.



Les luttes des Amisol 

Quelques points d'histoire 

 

La lutte des anciennes ouvrières d'Amisol a eu un rôle fondateur dans le mouvement social contre l'amiante en France. A ce titre, il est utile de rappeler quelques points d'histoire. 

L'usine Amisol de fabrication de matelas, tresses et bourrelets à base d'amiante a ouvert ses portes à Clermont-Ferrand au début du XXe siècle. Les ouvrières et ouvriers y ont broyé et tissé l'amiante pendant soixante-cinq ans pour les besoins d'autres entreprises : Michelin, la SNCF, EDF, la Marine.

Filles de mineurs ou d'ouvriers, les anciennes d'Amisol ont quitté l'école à douze ou quatorze ans pour travailler comme employées de maison, femmes de ménages ou ouvrières, avant d'entrer à Amisol comme ouvrières spécialisées, pour certaines dès les années 1940 ou 1950, pour d'autres dans les années 1960-1970.  

Ces ouvrières ont été solidaires dans la lutte pour la dignité lorsque l'entreprise était en activité. Elles l'ont été plus encore face à la fermeture de l'usine en 1974 et à la découverte qu'elles avaient été tenues dans l'ignorance des risques de l'amiante, cette fibre qu'elles ont travaillée à mains nues pendant des décennies. Solidaires, elles l'ont été vingt ans plus tard lors de la création, en 1995, du premier CAPER (Comité Amiante Prévenir Et Réparer), à l'origine du mouvement national de lutte qui prendra, en 1996, la forme de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (ANDEVA)

28 Février 1995: Conférence de presse à Clermont-Ferrand pour la création du "Comité amiante, prévenir et réparer" (CAPER) avec Josette Roudaire, Henri Pezerat, Marie-Jeanne Outurquin et Guillaume Laybros. Photographie La Montagne
Leur résistance représente la pierre angulaire du mouvement social de lutte contre l'amiante et pour les droits des victimes de cette fibre en France. Elle a révélé l'alliance, nécessaire dans ce mouvement, entre collectifs ouvriers et travailleurs scientifiques soucieux de ne pas garder pour eux leur connaissance des risques professionnels, comme le montre l'ouvrage Danger Amiante ! qui fut le premier en France à rendre public le scandale de l'amiante, en 1977 (1)

 

Amisol en activité, puis occupé 

Pour décrire ce que pouvait être l'usine Amisol en activité, Le C.A.P.E.R. a fait appel à quelques témoignages. Nous donnons ci-dessous trois d'entre eux, extraits d'une brochure " J'ai visité Amisol ", éditée par le C.A.P.E.R. à l'occasion d'un procès.

 
 

Le 16 avril 2007 

Je soussigné, LAFFONT Alain, médecin, né le 17/06/1947 à Marcillat-en-combrailles (03) déclare avoir visité l'usine d'Amisol dans les années 1977-1980. J'apportais mon soutien aux ouvriers et je voulais constater ce qui se disait sur cette usine. 

J'ai vu ce que je considérais à l'époque comme l'horreur et le retour à Zola. Les conditions d'empoisonnement sciemment entretenues par le patronat de l'usine. Des poussières d'amiante en fines particules dans l'atmosphère, sur les fils électriques et les poutres métalliques, le tout respiré pendant 8 heures par jour par les ouvrières et les ouvriers présents. Des tas d'amiante solide en vrac jonchaient le sol. En réalité, aucune précaution n'était prise alors que personnellement je savais en tant qu'étudiant en médecine motivé sur les questions de prévention qu'il était criminel de laisser faire cela. Je me souviens qu'à l'époque la question du flocage du C.H.U Saint-Jacques à l'amiante était déjà posée. 

Je me souviens des discussions avec les salariés de l'usine qui, malgré leur connaissance du danger, voulaient encore travailler dans cette usine cercueil. 

 

le 11 mars 2007  

Camille et Frédéric CHAPPET

Puy bessous

43600 Sainte Sigolène 

 

Quand Amisol a fermé ses portes en 1974, nous venions d'adhérer à la C.G.T. et de faire connaissance avec Josette Roudaire. C'est elle qui nous a fait visiter l'entreprise et, devant ce spectacle effarant, l'étonnement n'a d'égal que la colère en face de ces montagnes de mousse neigeuse blanchâtres qui couvrait les murs, les vitres, la charpente métallique. Cela aurait pu ressembler à un décor de théâtre mais, si nous étions en colère, c'est que la dure réalité, c'était que cette poudre, ce poison, était dans les poumons des travailleurs d'Amisol. 

Je me rappelle de l'émotion quand cette poussière de mort a été mise en scène par Jacques Albaret, cet hommage rendu aux travailleurs d'Amisol. Je me souviens de ces enterrements, de ces familles en deuil que le chagrin paralysait, empêchait de témoigner. 

30 ans après, ça fait déjà beaucoup trop de temps pour reconnaître enfin cet empoisonnement, ce meurtre.

 

le 14 mars 2007

René Wojciechowski Lempdes

13, impasse des primevères

63370 LEMPDES 

 AMISOL

  

Je dois en premier lieu faire une confession : aujourd'hui encore, trente trois ans plus tard, l'histoire d'Amisol me fait toujours mal. 

Amisol, c'est le symbole d'une société inhumaine, l'exemple d'un assassinat d'hommes et de femmes, seulement fautifs d'avoir voulu travailler pour vivre dignement. 

Délégué syndical C.G.T. de la Formation Professionnelle des Adultes, au plus fort de la lutte des " Amisol " en mai 1976, j'ai accompagné pendant une bonne demi-journée madame Marie-Ange Adler, du journal " France Soir " chez Amisol. Comme elle, j'ai reçu un véritable uppercut dans la figure. 

Jamais nous n'aurions pu croire qu'il existait encore une usine aussi délabrée, cauchemardesque. Malheureusement, la réalité était bien là, brute, tranchante, méprisable. S'il n'y avait pas eu tant de morts, nous aurions pu croire à un décor de film d'épouvante : de l'amiante partout, sur les machines, la charpente, les rebords de fenêtres, accroché aux grillages des machines, en guirlandes sur les murs, dans une atmosphère humide, graisseuse, irrespirable, avec, pour couronner le tout, une odeur nauséabonde. Des conditions de travail insupportable, bref, une usine à vomir, quelle honte ! 

Pendant tout le temps qu'a duré la lutte des " Amisol ", et qui continue en 2007, avec les résultats que l'on connaît, les différents responsables de ce désastre, employeur, médecin, pouvoirs publics (Préfet et Directeur du Travail) n'ont eu qu'un seul souci : étouffer cette affaire pour éviter un scandale inacceptable. 

Un certain nombre d'entre eux auraient mérité la Cour d'Assises pour non-assistance à personne en danger. Pour tous ces " cols blancs ", le personnel ne représentait rien. Pourtant, il suffisait de franchir le seuil de l'usine, d'aller à la rencontre des ouvriers en lutte pour comprendre que l'humanité se trouvait parmi les grévistes, hommes et femmes ensemble dans un seul but : gagner la bataille de la dignité, être reconnus comme travailleurs à part entière, être soignés et indemnisés. 

Le combat des Amisol fut pour moi un modèle, et pendant toute mon activité syndicale, je n'ai cessé d'en parler. Leur lutte ne fut pas vaine. Ils sont et seront toujours l'exemple et l'honneur de la classe ouvrière.

 L' amiante était chargé à la fourche dans cette machine. La poussière était telle que l'on n'y voyait plus rien la machine une fois en route.

 (Photo Liberation)

 
A ces témoignages, extérieurs à l'usine, il faut ajouter ceux des ouvrières ayant occupé l'usine et qui aujourd'hui animent le C.A.P.E.R., témoignages empruntés à l'ouvrage d'Annie Thébaud-Mony de 2007 : " Travailler peut nuire gravement à votre santé aux Editions La Découverte : pages 69 et suivantes (2) :
 "Louisette - Quand je suis rentrée à Amisol, j'étais aux tresses, des tresses rondes, carrées… Tout dépendait de ce qu'on voulait en faire. Il y avait des tresses sèches pour la marine. Il y avait les bourrelets, directement en amiante, tout ce qui servait à faire des joints dans les wagons. Dans les avions, c'était des tresses rondes."

Josette - L'amiante arrivait en vrac à l'usine Amisol. Il était broyé à découvert. On voyait personne à trois mètres, tant il y avait de poussières."

Louisette - On sortait l'amiante à la fourche. On le mettait par terre. On le mélangeait avec du coton, du produit de coton. Les gars au mélangeur, ils s'en occupaient. Ils avaient un chariot. Nous, on le remplissait. On prenait ça à la main. Après, il y avait le filage et ça partait ensuite à la filature…

Marie-Antoinette - Vous savez que ça vit l'amiante. Si vous aviez une pique d'amiante dans le doigt, malgré qu'on vous l'enlève, ça revenait. Et la poussière… Toutes les poussières assèchent, mais celle-là plus encore. On n'avait pas de bouteilles d'eau.

Marie-Jeanne - Les filles tombaient dans les allées. Un matin, à 5 heures, il y avait des trucs d'aspiration qui avait pété à la filature. Les attaches avaient lâché. Donc, en haut, à la filature, à 5 heures du matin, il y avait un mètre de poussières sur les métiers à tisser. Les filles viennent me chercher : "Marie-Jeanne, viens voir." Je rentre. Je dis : "Vous pouvez pas travailler ce matin, le temps de déblayer tout ça." C'était absolument impossible. Le chef voulait mettre les machines en route. Je vais en bas, je dis au chef : "Tu ne mets pas les machines en route. Tu mets pas les cardes en route, puisqu'en haut, le tuyau a cédé, ça jette tout." Le chef dit : "J'en ai rien à foutre, je mets en route." Je dis : "Tu vas rien mettre en route." On s'est attrapé à 5 heures du matin. Je n'ai eu qu'une solution. On avait des grandes fourches pour mettre dans les machines. Les fourches avaient beaucoup de dents. Pas les fourches classiques. Il me dit : "Si, je vais mettre en route !" Il va pour appuyer et moi je prends la fourche. Et moi je lui dis : "Essaie…" Tu vois, c'était comme ça la violence !

Josette - Le problème, c'est que tout est à l'avenant, il n'y a pas une chose épouvantable et puis le reste bien. Plus encore… il y avait tous les autres produits qui s'ajoutaient avec cette saleté d'amiante. Il y avait le chlore, le benzène. L'été, ça nous saoulait parce qu'on travaillait avec les cuves ouvertes.

Marie-Antoinette - Par périodes, on avait le plomb aussi pour faire les joints. On fondait le plomb…

Josette - Ils distribuaient du lait. C'est très psychologique ! Le problème, c'est pas que tu le boives, c'est que tu l'aies. C'était l'antipoison. Donc eux, ils étaient vierges complètement. Ils t'avaient donné le poison et l'antipoison. Donc, après, c'était toi, si tu l'avais bu, pas bu. Si tu étais malade, c'était de ta faute après. "  

Une pratique syndicale s'était installée dans l'usine en 1968. Pendant les six ans qui suivent des augmentations de salaire sont obtenues mais les conditions de travail ne changent pas. En 1974, les 271 salariés (dont 80 % de femmes) apprennent la fermeture de l'usine et décident de l'occuper. Elles s'organisent pour résister. 

" Marie-Antoinette - Occupation d'usine voulait dire chez nous nuit et jour. Nous faisions des équipes qui tournaient comme chez Michelin. On ressentait un rejet du monde du travail. Rapidement nous avions compris qu'on ne nous voulait pas, à cause des problèmes de l'amiante ou bien parce qu'on était des femmes trop engagées et vraiment résolues à tout. Dès que quelqu'un était touché par le chômage ou par les Assedic, ou par la sécurité sociale ou les allocations familiales, on faisait une délégation et on allait sur le terrain régler le problème. Et ce genre de méthodes, ils n'en voulaient pas, c'était trop collectif. C'était trop fort finalement. On était ensemble. On savait qu'on ne pouvait tenir qu'ensemble. " 

Le chapitre consacré à Amisol dans l'ouvrage Danger amiante décrit dans le détail les carences de tous les services de prévention, médecine du travail, inspection du travail, Sécurité Sociale, carences graves qui auraient du entraîner un minimum de justice réparatrice en réponse à l'occupation de l'usine.

Au lieu de cela, les ouvrières au chômage se sont heurtées à un véritable complot du silence et à la passivité bureaucratique des institutions.

Les autorités admettent alors que des travailleurs malades ne sont pas reconnus et que cette anomalie sert au patronat clermontois pour refuser toute embauche. Mais nul ne veut jeter publiquement un pavé dans la mare des irrégularités accumulées dans cette affaire. Amisol est bien un abcès mais, à Clermont, on se serre les coudes pour ne pas avoir à le percer, tellement chacun a peur d'en être éclaboussé. Le corps médical, quasiment dans son entier, reste solidaire, se tait. L'administration, figée, incapable de la moindre initiative pour redresser ses insuffisances passées, use d'une série de subterfuges bien connus (hiérarchie, cloisonnement des services " ping-pong ") pour diluer toute responsabilité et surtout pour éluder toute décision.

  

La rencontre avec le Collectif amiante de Jussieu 

Confrontées à toutes les difficultés de la situation et sans bien comprendre de quoi il retourne, les ouvrières acceptent une demande de rencontre avec le Collectif amiante de Jussieu. 

"Marie-Jeanne - Un beau jour, en 1976, on a été contacté par des savants de Jussieu, Henri [Pezerat] et d'autres. C'était passé par le syndicat départemental. Nous, on veut bien les recevoir ! Henri s'est aperçu tout de suite qu'on ne savait absolument rien. Quand il est entré, il a compris tout de suite. Il nous questionne. Il nous dit : "Vous savez que c'est dangereux l'amiante ? Il y en a quelques-uns qui ont des problèmes pulmonaires, qui ont été reconnus d'ailleurs en 1972." C'est tout. Il savait pas comment nous le dire… Et nous, on sentait qu'il y avait quelque chose de monumental qui allait nous tomber sur la tête. Moi, j'aime bien savoir la vérité, même si c'est difficile à avaler. J'ai dit : "Écoute, tu nous expliques." Il nous a expliqué. Nous, on avait l'impression à chaque fois qu'on descendait un peu plus sur la chaise. C'était dur. Mais c'était un peu comme dans un nuage… un rêve… tu penses que tu vas te réveiller. Il me dit : "Est-ce que tu penses qu'on doit le dire à tous ceux qui étaient là ?" On était plus de 130. Je lui ai dit : "Si nous on ne le fait pas, personne ne le fera puisque, nous, on le savait pas. Le médecin du travail, il ne nous en a jamais parlé. Mais il faut le faire avec précaution." Parce qu'il y avait des gens qui étaient déjà en mauvais état et tout ça. Il y avait déjà le chômage qui durait depuis pas mal de mois. Henri a expliqué très tranquillement les choses, très simplement. Les gens ont compris. Quand il est parti, on lui a dit au revoir. On était mal. Les équipes ont continué quand même à occuper. Mais le lendemain, au lieu d'être aussi nombreux, on s'est retrouvé une quinzaine. Il fallait digérer. Et puis, ça a repris un petit peu. Il y en a qui ne sont jamais revenus. On a dit qu'il fallait s'occuper des examens pour dépister tout ça puisqu'il nous avait parlé de tout. Je dis : "Il faut qu'on les mette en route. Après tout maintenant, il faut qu'on sache. Ce qu'on a avalé, on l'a avalé, on peut pas le recracher. Il faut qu'on sache, qu'on fasse tout ce suivi médical, qu'on mette tout ça en route." Il a fallu aussi aider les copains à revenir pour qu'on en parle. On parle de tout, des poules et des lapins, tout ce que tu veux, mais on parlait pas de ça quand même… ça a mis bien huit jours pour qu'on en parle. Puis un jour, on a dit : "Ça suffit, on a tous un problème, on est tous mal à l'aise, il faut qu'on parle." Et puis là, les anciennes nous ont dit tranquillement ce qu'elles ressentaient, ce qu'elles avaient comme symptômes et tout. Je te jure que là, ça a été une période horrible, horrible. Et on avait toujours la sensation d'être sur ce nuage. On se battait toujours pour la réouverture. Et là aussi, on a compris pourquoi le patronat auvergnat ne nous embauchait pas. Il y avait toujours de bonnes excuses et le fait de parler tous ensemble, ça a démystifié plein de choses.

Marie-Antoinette - On ne le savait pas tout ça. On ne pouvait pas l'inventer. Quand Henri est venu, je me suis dit : "On n'est pas malade. Pourquoi il nous dit que c'est dangereux ?" On sentait pas de douleur. Quand il nous a annoncé ça, on s'est dit : "Il est complètement dingue !" On ne sentait rien. On n'avait pas de douleur, on n'avait rien. Et moi je me disais, je ne suis pas malade, étant donné que je me porte bien. Cela ne peut pas nous faire de mal de travailler à Amisol. Alors que lui, il voulait nous mettre en garde justement, et qu'on était déjà malade. On ne savait pas.

Marie-Jeanne - C'est vrai que quand Henri est venu, je me suis dit : "En tant que chef de famille, trois enfants en bas âge, comment je m'y prends si ça se déclare ?" C'est vrai qu'Henri avait donné trente ans, trente-cinq ans. Je me disais : "J'aurai le temps d'élever les enfants." C'est vrai que j'ai toujours eu ça au ventre, cette peur. Que tu le veuilles ou que tu le veuilles pas, tu l'as. Je ne suis pas malade. Mais lorsque je fais une bronchite, ouille… Tu as l'épée de Damoclès qui descend. Après je reprends le dessus, mais c'est vrai que c'est dur. Et puis ça te bloque ta vie quand même, quoi que tu dises."

Henri Pezerat, du Collectif amiante Jussieu, dans l'atelier de chargement à la fourche des cardes, en 1976

C'est alors que s'engage une lutte pour l'emploi qui ne passe plus par la réouverture de l'usine :

"Josette - Y compris, ça a fait prendre une autre forme de lutte. On avait des enfants, il fallait travailler. Donc on a eu une autre façon de lutter. Mais ça a été la période peut-être la plus dure parce qu'on a eu un collègue qui a eu son infarctus et son mésothéliome."

L'enjeu n'est plus la réouverture de l'usine mais le reclassement dans d'autres entreprises de la région ou la retraite anticipée et l'obtention d'examens médicaux complets et gratuits, dont le choix doit être arrêté avec l'accord de leur collectif. Les anciennes d'Amisol proposent la signature d'un accord de préretraite à cinquante ans, avec la chambre patronale de l'amiante. Pour celles n'ayant pas atteint cet âge, elles demandent un reclassement dans l'agglomération de Clermont-Ferrand, au plus près de leur lieu d'habitation, les conditions de reclassement devant être conformes aux engagements ministériels pris à l'époque. Enfin, en attendant la fin des négociations, elles demandent la prolongation d'indemnités équivalant au Smic pour tous les ex-salariés d'Amisol. Elles obtiendront gain de cause grâce à l'occupation du site, mais la maladie et la mort font irruption dans leur collectif.

Marie-Antoinette - " Il y a eu des morts.

Marie-Jeanne - Il y en avait eu d'autres avant mais on n'avait pas fait attention. " 

A ces témoignages - sur cette nouvelle période -, empruntés à l'ouvrage d'Annie Thébaud-Mony (2), nous ajouterons celui du Docteur Joël Barnola, tiré de la brochure " j'ai visité Amisol ".

 

 " J'ai écrit ma thèse de médecine en 1979 sur le risque cancérigène de l'exposition à l'amiante, notamment à propos d'anciens salariés de l'usine Amisol .

Lors de visite dans les locaux de l'entreprise, chacun était envahi par une impression de catastrophe. Les salariés étaient évidemment choqués par les décès et maladies de leurs collègues, mais aussi par le risque effroyable qu'ils encouraient. Les séquelles de traumatisme psychologique après des attentats ou catastrophes naturelles sont reconnues. Ces personnes exposées à l'amiante de façon massive et durable ont été les victimes d'une véritable catastrophe sanitaire. Le dépistage se faisait par la recherche de corps asbestosiques dans les crachats, et les salariés, reconnus malades ou non, qui avaient des résultats positifs, se sentaient atteints dans leur intégrité physique, tout comme peuvent l'être par ailleurs les patients porteurs de plaques pleurales : la menace était omniprésente pour eux, engendrant une grande souffrance morale. "

 

Quelques enseignements 

A l'époque, dans les années 1975-1976, la question de l'amiante faisait l'objet d'environ 150 articles de presse chaque mois. Beaucoup de ces articles étaient consacrés à Amisol et à la lutte des ouvrières qui occupaient l'usine, comme en témoignent les trois articles que nous reproduisons, celui de France Soir, celui de Libération et celui de la Vie Ouvrière.

En témoigne également un communiqué de la Chambre syndicale de l'amiante et du Syndicat de l'amiante ciment, publié en pleine page dans tous les journaux, (sauf la Montagne à Clermont-Ferrand !) en novembre 1976. On y trouve une condamnation sans appel de la direction d'Amisol.

" La direction d'Amisol à Clermont-Ferrand a fait montre depuis plusieurs années d'une attitude scandaleuse. La profession la condamne et rejette avec indignation la suspicion qu'elle fait peser sur l'ensemble de ses membres. Elle souhaite examiner avec les Pouvoirs Publics les mesures prises ou à prendre pour résoudre les problèmes des ouvriers concernés "

Mensonges. Le cas d'Amisol n'était pas exceptionnel. Dans de multiples usines, par exemple à Condé sur Noireau et dans la vallée de la Vère, les conditions de travail de certains ateliers étaient quasi-identiques à celles ayant eu cours à Amisol mais il fallait, pour sauver " la profession " présenter le cas d'Amisol comme une exception.

Ceci étant, la rencontre des deux luttes, celle des Amisol et celle de jussieu, a joué un rôle indéniable dans le premier ensemble de mesures prises à cette époque, à l'échelon national et à Clermont-Ferrand comme à Jussieu, en matière de prévention et de réparation.

" Josette - On aurait été tout seul ou Jussieu aurait été tout seul, il n'y aurait pas eu tout ce mouvement. Jussieu avait la connaissance intellectuelle et la preuve était Amisol. La rencontre de ces deux luttes, c'était une bombe. Et c'est pour ça que pour les patrons, il fallait absolument contourner et casser ça. Ils ont créé le CPA [Comité permanent amiante] pour ça. Rends-toi compte, "les ouvriers et ceux qui savent, s'ils sont capables de mettre la connaissance à leur service, si ça c'est ensemble, on est foutus. Si la connaissance va aux victimes, on est foutus !" C'est pour ça qu'ils ont créé un organisme pour détourner la connaissance, pour mettre des toubibs à leur merci. "L'amiante, disaient-ils, c'est pas bon, mais si on fait un peu attention, on peut." Et ça s'appuyait sur quelque chose qui était dans le mouvement ouvrier, cette croyance en la science. La science peut tout régler. Nous, on était con sur ce sujet-là. On disait : "Quand même, on peut marcher sur la lune et en revenir entier. Et on pourrait pas travailler l'amiante sans en mourir ?" On était dans cette logique selon laquelle la science devait pouvoir régler ça. Mais il y a des choses que la science ne peut pas régler. La science n'a jamais rendu la ciguë bonne… et si l'amiante se répand, on répand la mort. Pour nous aussi, dans la culture syndicale, en 74, il y avait encore les traces de 68 où on se disait : "Les universitaires, c'est pas eux qui vont venir dire aux ouvriers ce qu'il faut faire. Donc s'il te plaît, tu vas à Jussieu, toi, dire ta philosophie, l'usine c'est nous." Il y avait aussi ça. Et les gars du syndicat, ils nous disaient : "Qu'est ce que vous faites avec ces gauchistes ?" Et quand Michelin a fait venir le prix Goncourt, les gars du syndicat ont préféré aller manger avec le prix Goncourt qu'avec nous. Et ça, si tu veux, c'est la partie facile. En même temps, c'est complètement l'inverse. Dans la vie, tout le monde a besoin de tout le monde. C'est une donnée de base. Et personne n'a de leçon à donner à personne. C'est pour ça que du point de vue des patrons, il fallait casser ce rapport de confiance établi entre les scientifiques de Jussieu et les ouvriers de l'amiante. Et le fait est que ceux qui connaissent doivent la vérité à ceux qui connaissent pas. Parce que si on dit que les hommes sont égaux, il faut leur dire : "Ce qui n'est pas bon pour moi n'est pas bon pour toi !" Si l'amiante, ce n'est pas bon à Jussieu, ce n'est pas bon nulle part, ce n'est pas bon à l'usine non plus. "

Il est certain que les réticences des milieux syndicaux à s'engager ont entraîné l'absence de relais et de riposte de l'ensemble des ouvriers de l'amiante, que ce soit à Condé sur Noireau, à Thiant et en de multiples autres lieux. Ceci a permis au patronat et aux pouvoirs publics d'isoler peu à peu les luttes des Amisol et de Jussieu et de circonscrire le danger qu'elles représentaient.

Partout c'est la peur d'une mise en cause de l'emploi qui a permis au patronat de refermer le couvercle sur les dangers de l'amiante pendant presque 20 ans, jusqu'au moment où le nombre de victimes et leur dispersion bien au delà de l'industrie de l'amiante a obligé l'Etat à s'emparer du problème comme relevant d'une grave crise de santé publique.


(1) COLLECTIF INTERSYNDICAL SECURITE DES UNIVERSITES JUSSIEU CFDT, CGT, FEN, Danger ! Amiante, Maspero, coll. "Cahiers libres" n° 334, 1977.

(2) ANNIE THEBAUD-MONY, TRAVAILLER PEUT NUIRE GRAVEMENT A VOTRE SANTE (2007) Editions La Découverte : pages 69 et suivantes


 

 

Condé sur Noireau :
Article de presse sur la 1ère manifestation contre l'amiante en 1976 (au micro Henri Pezerat du Collectif Amiante-Jussieu)