OSER S'OPPOSER AUX MEDECINS DU TRAVAIL SOUMIS AU PATRONAT

Février 2008


Il n'est hélas pas exceptionnel de rencontrer des entreprises où le médecin du travail ne s'investit pas dans la prévention, délaisse la mission en milieu de travail qui lui incombe et laisse perdurer des conditions de travail inacceptables. 

Dans le cas de l'amiante, il a été récemment révélé la mise en examen du Docteur Claude Raffaéli, ancien médecin du travail de Ferodo-Valéo à Condé sur Noireau. Par référence à la revue " Préventique-Sécurité " de novembre/décembre 2007, " nous sommes en mesure de préciser que cette décision de justice vise trois infractions : 

- non assistance à personne en péril ;

- atteinte à la vie, homicides involontaires ;

- atteinte à l'intégrité physique d'autrui, blessures involontaires. 

Il est notamment reproché au médecin de ne pas avoir : 

- délivré des attestations de contre-indications médicales aux expositions à l'amiante des salariés, pouvant permettre des aménagements de postes de travail ;

- établi des déclarations de maladies professionnelles ;

- proposé aux employeurs la mise en place de protections collectives ou individuelles protégeant les salariés d'une manière plus efficaces que celles existantes ;

- informé les employeurs sur l'ampleur des dommages liés à l'amiante ;

- informé les salariés sur les dangers aux fins de les protéger, et sur leurs propres pathologies ;

- respecté sa mission de médecin du travail réglementée par le Code du travail : absence d'action en vue de l'amélioration générale et significative des conditions de travail. 

Le juge d'instruction a décidé que ces différents manquements constituent des fautes caractérisées d'imprudence et de négligences particulièrement graves. " 

Le dossier Raffaéli, seul médecin du travail ayant siégé dans le lobby patronal de l'amiante, le C.P.A., est très lourd, et il n'est pas tolérable que la Confédération Générale des Cadres l'ait reconduit en novembre 2007 pour siéger au " conseil de surveillance du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante " (J.O. du 02/12/2007. ). Evoquer à Condé ce qu'a été l'action de Raffaéli suscite des réactions de colère, d'amertume et de ressentiment. 

Un exemple à suivre 

Pour éviter que se renouvellent de tels faits, il est essentiel que les comités d'entreprise et comités d'établissements exercent le contrôle social des services de santé au travail qui leur est assigné par les textes, y compris en obtenant le changement du médecin du travail lorsqu'il ne remplit pas le rôle exclusivement préventif qui lui est assigné par l'article L 241-2 du Code du Travail qui consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail. 

Un exemple à suivre est celui des organisations syndicales de l'entreprise Trigano à Tournon, dans l'Ardèche. Suite à leur action déterminée au niveau du C.E. et en opposition avec le service de médecine du travail interentreprises, ils ont obtenu, au 1er janvier 2008, la démission du médecin du travail.

Lors d'un C.E. de fin novembre 2006, les élus avaient dénoncé, de la part du médecin, l'absence de surveillance sur la nature des produits utilisés et sur leur condition d'utilisation. Lors du débat, ils avaient clairement signifié : " les salariés ne veulent plus de ce médecin du travail. Ils ne lui font plus confiance. " " Ils veulent une personne compétente qui fait de la prévention . "

Suite à quoi le C.E. a voté un texte demandant le changement du médecin du travail, et ils ont gagné malgré de multiples pressions pour les faire revenir sur leur demande.

De son côté, la direction de l'entreprise est peu intervenue car elle-même doit faire face à une plainte au pénal suite à un PV de l'inspection du travail en décembre 2005, consécutif à une visite suscitée par une demande du syndicat C.G.T. A noter que l'inspectrice du travail non seulement a dressé un long PV, détaillé et précis, des infractions relevées mais qu'elle en a communiqué l'essentiel aux syndicats en les informant de leur possibilité de se porter partie civile lors du futur procès. Le directeur de l'entreprise est donc sous le coup d'une accusation de : 

- blessures involontaires avec incapacité de plus de trois mois par violation manifeste délibérée d'obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail ; 

- emploi de travailleur dans un local à pollution spécifique sans respecter les règles sur l'aération et l'assainissement. 

L'affaire sera appelée à l'audience du Tribunal correctionnel de Privas le 13 mars prochain, le syndicat C.G.T. s'étant porté partie civile avec l'aide des avocats du cabinet Teissonnière. 

Ainsi y a t-il mise en cause à la fois de la direction de l'entreprise et du médecin du travail.