Josette Roudaire

 (Ancienne d'Amisol)

 

 

Comment je me suis faite " ENFUMER "

  

 

Le 19 avril 2006, je me suis rendue à l'expertise ordonnée par le tribunal, au cabinet du Docteur FRAYSSE, pneumologue.

J'ai été choquée, indignée, par le climat de cette consultation, par le ton, les remarques faites par ce médecin. 

Les sujets étaient toujours introduits de façon négative, aucun espace n'était laissé pour mes explications. Je pensais que l'on pouvait exprimer son ressenti, les dégâts intimes causés par l'amiante dans notre vie, nos douleurs. Ca n'a pas été ça du tout. Ce fût : 

- " Vous n'avez aucun préjudice esthétique puisque vous n'avez pas de cicatrice. Vous n'avez pas été opérée. "

- " Vous n'avez subi aucun préjudice économique puisqu'en 1972 vous avez pu travailler !

Devant mon étonnement, le Dr FRAYSSE a repris sa question en me disant très exactement et un peu plus fort : 

- " Est-ce qu'en 1972 un patron a refusé de vous embaucher et vous a dit précisément c'est à cause de l'amiante ! NON ? C'est donc bien ce que je disais, vous n'avez aucun préjudice économique lié à l'amiante

-" Les douleurs ne vous réveillent pas la nuit ? De toute façon, les plaques pleurales n'entraînent aucune gène, aucune douleur !

Lorsque j'ai tenté d'exprimer mes douleurs, l'angoisse, la peur de l'avenir, le bouleversement fait par l'amiante dans ma vie, dans celle de ma famille,M. FRAYSSE a jugé utile de m'infliger cette réplique : 

- " l'amiante, l'amiante, tout est affaire de personnes : prenez deux fumeurs qui consomment deux paquets de cigarettes par jour depuis l'âge de 20 ans. A 45 ans, l'un sera obligé d'arrêter net parce qu'il sera malade, l'autre ira jusqu'à 85 ans et en pleine forme ". 

Là, j'ai cru intelligent de répondre : " il serait peut être en meilleure forme encore sans le tabac ". 

Il m'a rétorqué avec véhémence : " c'est pas prouvé du tout "../…….

Dans ce cabinet médical, le tabac, son odeur, sont si prégnants, si forts, que vous êtes saisis en entrant. Que ce " toubib " fume comme un pompier, soit. Mais que comme pneumologue il analyse les choses comme ça, il y a de quoi être inquiet.

Dans son rapport d'expertise, le Docteur FRAYSSE a jugé utile de qualifier ma coopération, de médiocre, en ce qui concerne les E.F.R., il y a peut être une raison. 

J'étais répugnée d'avoir à mettre dans la bouche un embout en plastique qui n'était pas stérile. Le Docteur FRAYSSE l'a pris dans un tas posé sur l'égouttoir de l'évier. Vu l'état des choses, c'est sûr, les conditions d'hygiène n'étaient pas respectées. 

Je n'avais jamais vu cela ! je ne l'ai toujours pas vu depuis. 

L'ambiance était si lourde, si particulière, que je me suis pas sentie le courage d'aborder ce problème. Je le regrette vraiment. 

Pour moi cette " expertise " a été une authentique mise en cause de mon intégrité, de ma dignité, une véritable agression par la tournure qu'elle avait : ouvertement suspicieuse et négative. 

Avant cette date, j'avais souvent entendu d'autres victimes parler des expertises et du traumatisme que cela leur avait laissé. C'est exactement ce que j'ai vécu. 

Expertise pour expertise ; ce témoignage représente " mon expertise " de l'expert. 

Franchement je me suis faite enfumer à tous les points de vue. 

Je fais ce témoignage pour m'associer aux autres " victimes " des experts, pour dénoncer ces pratiques indignes, ces abus de pouvoir et ce mépris. 

 

Fait à Clermont-Fd, le 6 Mars 2007