Partie 1
Henri Pezerat, Directeur de recherche honoraire au CNRS, Toxicologue. Novembre 2005.

HIER : en exploitation......................mine Canari à ciel ouvert.............AUJOURD'HUI : en inactivité

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Exposition et risques liés à la pollution par

l'amiante dans l'environnement, en Haute-Corse.

Prévention-Réparation 

L'existence d'un risque lié à des affleurements d'amiante dans les sols est connue depuis une étude finlandaise parue en 1960, étude qui fut suivie d'une étude bulgare reliant des pathologies de la plèvre à la nature minéralogique des sols, et enfin d'un ensemble d'études en Tchécoslovaquie, Autriche, Turquie, Grèce, Chypre et Russie.

Pour la Corse, la prise de conscience du problème date de la fin des années 1970, à l'occasion d'une étude menée par une équipe d'un service de pneumologie dirigée par C. Boutin à Marseille. Les chercheurs s'intéressaient alors à évaluer la prévalence des plaques pleurales(*) chez les mineurs de la mine d'amiante de Canari, en Haute-Corse. Dans ce cadre ils choisirent une population témoin, en principe indemne de toute atteinte des plèvres par l'amiante, dans des villages de la région, mais constatèrent alors que leurs témoins avaient un taux anormalement élevé de plaques pleurales (1,2).

(*) Les plaques et épaississements pleuraux, détectés en radiographie, sont provoqués par une réaction des tissus à une agression, ici par une réaction à l'amiante. La pathologie n'est pas cancéreuse et, dans le meilleur des cas, n'est que peu invalidante. Au delà d'une certaine importance, les plaques peuvent entraîner des douleurs et des atteintes à la fonction respiratoire. Les atteintes sont irréversibles. 

Suite à ces observations le LEPI (**) entreprit des mesures d'amiante dans l'air, en 1982, dans huit villages, quatre au Nord-Est de l'île (Rutali, Murato, Campile, Moïta), dans la région où affleurent les roches contenant de l'amiante, et quatre au Nord-Ouest, zone sans affleurement d'amiante. Ils firent également des prélèvements d'air dans un bâtiment de l'ex-mine de Canari et dans des villages proches, ainsi que des prélèvements d'eau (3). La conclusion était que la pollution par l'amiante à l'Ouest était quasi négligeable à faible, mais qu'elle était bien réelle dans les villages du Nord-Est, bien que variable en fonction des lieux et circonstances (pluie, vent, chantier, etc. …). Dans certains cas elle apparaissait plus importante en intérieur d'immeuble qu'à l'extérieur. Deux variétés d'amiante étaient trouvées (trémolite et chrysolite). Dans les villages au voisinage de l'ancienne mine, la pollution était du même ordre (mais plus importante à Albo) que dans la zone Nord-Est. Sur le site de la mine la pollution était considérable. Quant à l'eau elle n'était polluée que dans les villages proches de Canari. L'ensemble des résultats expliquait l'incidence élevée des plaques pleurales dans la Corse du Nord-Est.

(**) Le laboratoire d'étude des particules inhalées (LEPI), à Paris, est un laboratoire de métrologie, c'est-à-dire d'identification et de mesure des concentrations de particules dans l'air, l'eau ou les pièces biologiques. 

La publication de ces résultats dans des revues scientifiques n'eut lieu qu'en 1987 et 1988 (4,5), en appui d'une étude de l'équipe de Boutin (Marseille) sur la prévalence des plaques pleurales, à partir des données fournies par la lecture de 1721 clichés radiographiques de personnes ayant été hospitalisées à Tattone pendant la précédente décennie. 56 sujets étaient porteurs de plaques pleurales, dont 53 nés en Corse du Nord-Est (3,7% contre 1,1% en Corse du Nord-Ouest). 26% des cas étaient des femmes. Les localisations des lieux de naissance étaient reportées sur une carte.

En 1989, 1991 et 1993 (6,7,8) les mêmes équipes publient de nouveaux résultats sur les plaques pleurales à partir de clichés radiographiques obtenus dans certains villages. A Murato par exemple 83 personnes de plus de 50 ans sans exposition professionnelle ont été examinées. 41% d'entre elles, et plus de 60% chez les habitants de plus de 70 ans, présentent des plaques pleurales !

Enfin, à partir de 1989 (6), puis de 1991 (7) et 1993 (9), l'excès de mésothéliomes(*)d'origine environnementale devient évident pour la Haute-Corse, comme cela avait déjà été publié en 1980 et 1987 pour des populations résidant en Grèce, à Chypre et en Turquie. C'est tout d'abord 5 cas, élargis à 8, puis à 14, qui sont publiés au fur et à mesure de l'exploration des archives du service de pneumologie de l'hôpital de Marseille. Les 14 cas par exemple ont été soignés dans ce service de 1973 à 1991, 8 hommes et 6 femmes (moyenne d'âge 70 ans), tous nés en Corse du Nord-Est et sans exposition professionnelle contre 15 cas ayant été exposés professionnellement et repérés dans la même période. L'analyse des fibres dans les poumons des victimes découvre des millions de fibres de trémolite (majoritaire) et de chrysotile (plus aisément épuré) par gramme de poumon sec. Six sur quatorze présentaient également des plaques pleurales. Trois cas étaient originaires de Bastia, quatre de Moïta. Une carte (9) donne la répartition géographique des cas.

(*) Le mésothéliome est un cancer de la plèvre (enveloppe des poumons) ou plus rarement du péritoine (enveloppe des intestins), survenant suite à une exposition à l'amiante, 30 à 60 ans plus tôt. C'est un cancer difficile à diagnostiquer et que l'on ne sait pas soigner, sauf dans quelques cas particuliers. Le temps de survie, en général, va de quelques semaines à un ou deux ans. 

Les auteurs évaluent (9) l'incidence des mésothéliomes environnementaux dans cette région à 100 cas par an, pour un million d'habitants, contre 1 cas par million dans une population sans exposition spécifique à l'amiante. Encore faut-il noter :

- que les chiffres fournis sont donnés par défaut car dans la période considérée, il est certain qu'il y a eu des cas de décès rapides par mésothéliome chez des personnes âgées, non diagnostiquées et non soignées dans le service de Marseille.

- que les excès de mésothéliome sont toujours accompagnés d'un excès de cancers broncho-pulmonaires, excès plus difficile à évaluer mais toujours supérieur au nombre de mésothéliome.

* * * 

A partir donc de 1991-1993 il apparaissait clairement qu'il y avait, en Corse du Nord-Est, où vivent environ 15.000 personnes, sans compter Bastia et sa communauté d'agglomérations, un problème spécifique de santé publique relativement grave, qui impliquait la mise en place d'une politique de prévention. Certes il y a eu depuis, des réunions et des rapports divers, mais au final et nous y reviendrons, l'impression générale est que c'est l'inertie des pouvoirs publics qui l'a emporté sur toutes les recommandations, malgré quelques initiatives positives. Parmi les textes et interventions méritent d'être notées:

o La diffusion dès fin 1998 par l'inspection du travail d'une " Méthodologie pour la protection des travailleurs sur les chantiers de bâtiments et de travaux publics en terrains amiantifères ". Ce texte développe en particulier tout ce qui concerne la responsabilité juridique des maîtres d'ouvrage et chefs d'entreprises, rappelle que les déblais de chantier contenant de l'amiante doivent être considérés comme des " déchets dangereux et donc enfouis " dans une ou des décharges réglementées et contrôlées par un service public, et souligne la nécessité de protections spécifiques pour le travail et l'environnement.

o La diffusion en octobre 2000 d'un article de la revue " Chantiers BTP " intitulé de façon trop optimiste par l'OPPBTB : " En Corse, l'évaluation des risques avance ", article destiné aux professionnels des travaux de terrassement en terrains amiantifères. L'auteur reconnaît que " l'évaluation des risques au poste de travail est à l'état de balbutiement ". Plusieurs conseils judicieux sont fournis mais les recommandations sur les déblais ne sont pas à la hauteur du problème.

o Les interventions auprès du Préfet les 10 mars 2004 et 15 février 2005, et les réunions publiques organisées par les représentants des associations de victimes de l'amiante (ARDEVA Sud-Est et ANDEVA), portant sur la nécessité de développer l'information et proposant un ensemble des mesures de prévention et de contrôle.

o L'édition par la DDASS en 2005 en direction des responsables des collectivités territoriales d'une plaquette d'information sur " l'amiante environnemental en Haute-Corse ". Sur les 130 communes concernées, une cinquantaine ont des zones habitées à proximité immédiate des affleurements d'amiante. La plaquette résume les études réalisées, le niveau d'exposition de la population tel qu'il est apprécié par la DDASS, et enfin les actions menées dans la région concernées, données pour la plupart extraites du rapport d'un groupe de travail(*), présenté aux autorités régionales sous la présidence du Préfet, le 19 février 2004. A noter que la plaquette prétend que le droit à construire ne peut être restreint, ce qui est une erreur manifeste.

(*) Participaient en particulier au groupe de travail, la DDASS, des représentants du BRGM (géologie), du LEPI, de l'InVS (Institut de veille sanitaire) et du Laboratoire santé, travail, environnement de Bordeaux. 

Ce rapport du groupe de travail étant ainsi devenu la référence des pouvoirs publics, il devenait nécessaire d'en discuter les objectifs, la stratégie utilisée pour le recueil des expositions à l'amiante, et les évaluations du risque déduites de ces expositions. Quant aux mesures de prévention urgentes, préconisées par le rapport, nous noterons, 18 mois plus tard qu'elles n'ont pas reçu le moindre début d'exécution, du moins pour la plupart d'entre elles. 

Des objectifs insuffisants et non adaptés au problème : 

Le 19 février 2004, le groupe de travail intitulé " Comité de pilotage de l'étude des effets de l'amiante environnemental en Corse " a donc présenté son rapport devant le Préfet et les représentants de tous les pouvoirs publics concernés par le problème.

Contrairement à ce que laisse croire le titre du Comité de pilotage l'objet de l'étude n'est pas de repérer concrètement les effets de l'exposition à l'amiante, mais seulement d'apprécier l'ampleur des expositions, d'où seront déduits -par extrapolation et appui sur des modèles- les excès possibles de cancers dans trois agglomérations.

Au départ, en 1999-2000, il avait été prévu " une étude de prévalence (nombre de cas à un instant donné) des anomalies radiologiques dans la population générale ", choix contesté nous dit-on par les médecins de santé publique ( !!) donc abandonné en septembre 2000 au profit d'une nième campagne de mesure de l'amiante dans l'air, la première ayant eu lieu au début des années 1980.

En fait l'abandon de l'étude de prévalence était inévitable compte-tenu du manque de moyens et de motivations des DDASS en général. Celles-ci sont pour l'instant bien incapables de faire face aux tâches qu'impliquerait la mise en œuvre d'une véritable politique de santé publique. On s'en rend compte par exemple dans les bâtiments lors du suivi des opérations de diagnostic amiante et plomb dans les peintures.

Mais en admettant que la lourdeur d'une enquête de prévalence en population générale soit hors des moyens du groupe de travail, et de plus pose problème en terme d'intérêt épidémiologique, pourquoi réduire l'étude des effets de l'amiante environnemental aux seules études épidémiologiques, ou à partir de quelques données d'exposition à l'application de modèles fondés sur des relations dose-effet. L'étude des effets de l'amiante implique divers autres volets d'intervention en santé publique qui ne relèvent pas d'études épidémiologiques. L'épidémiologie n'est que l'un des outils d'une politique de santé publique, et -dans le cas des 130 communes du Nord-Est de la Corse- il aurait été possible et nécessaire de prévoir au minimum :

- Une demande de signalement par les médecins de la zone géographique concernée, de tous les cas de fibrose pleurale et pulmonaire, de cancer broncho-pulmonaire et de mésothéliome, avec un recul de 5 à 10 ans (à discuter).

- Une information, foyer par foyer, relayée par les médias précisant l'existence du risque, les maladies concernées et leur temps de latence avec demande de signalement de cas ayant été déjà repérés dans la famille. Dans le même courrier devrait être proposé à tous les habitants de plus de 45 ans, l'accès gratuit à une radiographie du thorax chez le radiologue de leur choix. Enfin une information précise devrait être fournie sur les possibilités d'accès à une réparation des préjudices d'une part par le FIVA(*), d'autre part par la voie d'une déclaration en maladie professionnelle auprès de la CPAM pour les salariés ayant été exposés dans le cadre de leur travail, en particulier dans les secteurs du bâtiment, des travaux publics et des travaux agricoles.

(*) FIVA : fond d'indemnisation des victimes de l'amiante. Accepte tous les dossiers de plaques pleurales et mésothéliomes liés à une exposition environnementale sans enquête approfondie sur l'exposition. Peut également indemniser asbestose et cancer bronchique après enquête. 

- Une invitation à tous les cabinets ou services de radiologie de la région d'exécuter des radios selon un protocole donné, sur présentation du formulaire envoyé par la DDASS et rempli par l'habitant. La charge financière serait supportée par la DDASS qui recevrait radio et compte-tenu expédié par les radiologues (avec un double pour le patient) ; charge à la DDASS d'organiser ensuite une double lecture et d'en tirer le bilan un an ou 18 mois après le début de l'opération, avec deux pneumologues compétents.

- Une obligation pour les entreprises et les médecins du travail de respecter les instructions relatives au " suivi médical amiante " (arrêtés du 28-02-95, du 06-12-96, du 13-12-96 et du 09-07-98) pour tous les travailleurs exerçant leur activité sur des chantiers du BTP en Corse du Nord-Est.

- Une intervention publique et coordonnée de toutes les autorités départementales pour exiger de la part des autorités gouvernementales des modifications relatives à la prévention contre l'amiante environnemental dans les textes réglementaires relatifs à l'urbanisme, dans le texte du décret 96-98 du 7 février 1996, relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'amiante, et dans le texte du décret 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à l'exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis.

Une telle opération globale permettrait, mais il n'est pas trop tard pour en demander la mise en œuvre, non seulement une meilleure visibilité du problème mais aussi une aide aux victimes alors que les pouvoirs publics n'ont rien entrepris en matière de réparation, et rien de conséquent en matière de prévention. Cette opération devrait être couplée avec un ensemble cohérent de mesures de prévention, qui de surcroît devrait s'appuyer sur une carte des affleurements d'amiante beaucoup plus précise que la carte actuelle (voir seconde partie du présent mémoire ).

N'ayant pas choisi cette voie -qui aurait eu sans doute l'inconvénient aux yeux des pouvoirs publics de trop impliquer la population- le groupe de travail s'est contenté d'un programme de " mesures de la teneur de l'air en fibres d'amiante ", comme " la seule alternative possible " ( !) à l'étude de prévalence. Mais compte-tenu de la technique choisie (microscopie électronique à transmission ou MET) les mesures n'ont pas eu lieu sur 130 communes à risque mais seulement sur six d'entre elles, dont Bastia, à l'extérieur et à l'intérieur de certains bâtiments, en multipliant les mesures très onéreuses, pour tenter d'évaluer une moyenne et un maximum du niveau d'exposition, en distinguant les deux variétés d'amiante (trémolite et chrysotile) et, en mesurant séparément les fibres de longueur supérieure et inférieure à 5 µm

Dans une seconde partie, à partir d'une certaine appréciation des valeurs moyennes de concentration de fibres de plus de 5µm dans l'air, les statisticiens, sur la base de leurs modèles, ont avancé comme probable des excès de mortalité par cancer du poumon et mésothéliome dans trois agglomérations, deux villages (Bustanico et Murato) où ils ont conclu à la nécessité de mesures de prévention, et Bastia où cela ne leur est pas apparu nécessaire ! Alors qu'ils ont négligé, d'une part les fibres de longueur inférieure à 5µm dont la concentration, par exemple à Bastia, peut-être très importante et nullement négligeable en matière d'effets toxiques, d'autre part tous les pics d'exposition liés aux circonstances naturelles (vent, incendie détruisant le couvert végétal, etc.) ou aux activités humaines (passages de véhicules sur piste non goudronnée, terrassement, jeux d'enfants, etc.)

Au final, de recul en recul sur les objectifs, l'étude ne débouche que sur des conclusions qui soit sont contestables, soit découlaient déjà -comme à Murato- des études antérieures à 1993. 

Une stratégie inadaptée pour rendre compte des empoussièrement en amiante : 

Les responsables de la DDASS et du LEPI ont tout d'abord visité 10 communes (sur 130), choisies en fonction de critères géologiques et des résultats des précédentes études. C'est ensuite la DDASS qui a effectué les prélèvements d'air dans six de ces communes, les résultats des mesures -faites au LEPI- survenant en général plusieurs semaines ou plusieurs mois après les prélèvements d'air.

Si l'on voulait réellement -à partir d'une telle approche des mesures- connaître les pics d'exposition, ce que prétend le rapport, il aurait fallu prélever l'air à proximité des sources d'émission à hauteur d'homme et d'enfant, et dans les conditions (météorologiques, activité humaine) où ces sources sont les plus actives, en tenant compte de la nature géologique des sols, de la variété d'amiante, de la destruction du couvert végétal, des travaux, des jeux, etc.. Or ce n'est pas ce qui a été fait, les capteurs d'air étant quasi systématiquement placés dans les conditions de confort maximum pour les techniciens de la DDASS chargés des prélèvements, c'est-à-dire bien à l'abri, en hauteur sur les toits et les terrasses, ou en intérieur, dans les halls d'accueil, en général bien entretenus, de la DDASS ou des mairies. De plus il aurait fallu effectuer quelques prélèvements à proximité immédiate et pendant des chantiers du BTP.

Mais une telle cartographie des expositions est une tâche impossible quand il y a un grand nombre de sites à explorer dans des conditions susceptibles de varier dans le temps, avec une technique qui implique un à plusieurs jours pour chaque prélèvement d'air, puis ensuite une lecture en microscopie électronique à transmission (MET), onéreuse et ne donnant de résultat qu'après de longs délais. D'où la nécessité de voir s'il est possible de sacrifier la précision de cette technique au profit d'une approche moins précise et moins fiable, recourant à un appareil à lecture directe donnant beaucoup plus rapidement un résultat(*).

(*) Deux appareils ont été testés par l'INRS (10). Le plus fiable (FM 7400) n'est plus commercialisé, et les avis divergent sur la capacité de l'autre (Fibrecheck FC-2) à fournir des résultats valables dans le domaine de concentration de 3 à 200 fibres/l, le plus susceptible d'être rencontré en Corse du N-E. D'où la nécessité d'une étude préalable de faisabilité avec contrôle en microscopie électronique.

 Avec une telle technique il serait peut-être possible d'envisager une première évaluation des dangers sur les 130 communes en diverses circonstances, compte-tenu qu'il faudrait ensuite effectuer quelques mesures au MET au moins en une vingtaine de lieux et circonstances (en extérieur et intérieur), considérés comme les plus représentatifs de la situation dans la zone géographique considérée.

Au total 214 échantillons ont été analysés entre les années 2000 et 2002, dont seulement six dans la série Bastia III, la seule où les capteurs (malheureusement au 4ème étage) n'étaient pas trop éloignés de travaux de terrassement, en fin de chantier. Ces résultats sur Bastia III, ignorés ensuite au moment du calcul des risques, révèlent des variations très importantes en fonction du temps, puisqu'à 2 jours d'intervalle en août 2002, la concentration en fibres de longueur inférieure à 5µm varie d'un facteur 100 (de 7,1 à 648,8 fibres par litre), celle en fibres de longueur supérieure à 5µm variant d'un facteur 20 (de 0,97 à 18,64 fibres par litre).

Il ne sert donc à rien de rechercher systématiquement la précision des mesures au MET quand on veut apprécier semi-quantitativement l'importance de la pollution en fonction du lieu et des circonstances dans le cadre d'une enquête sur les expositions environnementales, enquête différente de celle portant par exemple sur la pollution d'un atelier, où se déroule jour après jour des tâches identiques.

Par rapport aux précédentes enquêtes évoquées au début du présent mémoire, l'étude DDASS-LEPI de 2000 à 2002, dont les résultats seront probablement publiés dans l'avenir, offre cependant l'intérêt, d'une part de révéler les variations importantes de concentration d'amiante dans l'air, en fonction du lieu exact, de la période et des circonstances, par exemple à Bastia et à Bustanico, d'autre part d'apporter les premiers résultats connus pour une partie de Bastia, dans la ville où demeure plus de la moitié de la population de la zone géographique concernée, et enfin d'apporter des compléments d'information sur les répartitions chrysotile/trémolite, fibres " longues "/fibres " courtes " dans les échantillons recueillis.

Mais l'ensemble des prélèvements en extérieur, limité en fait à onze lieux sur six communes (Bastia, Corté, Murato, Bustanico, Moïta, Rutali) ne permet pas d'apprécier correctement une moyenne de pollution, commune par commune, ou pour Bastia quartier par quartier et ce en raison d'une stratégie de mesure mal adaptée au problème posé(*).

(*) Dans l'agglomération de Bastia, sur un chantier en phase de terrassement, les mesures, en microscopie optique, étaient l'an dernier de l'ordre de 0,2 fibres/cm3 et même 0,6 fibres/cm3. Que fait la DRT au Ministère du travail sachant que la valeur limite en milieu de travail est de 0,1 fibres/cm3 d'air ?

 Les mesures en intérieur pour leur part ont été effectuées sans recherche d'une quelconque représentativité par rapport aux intérieurs des logements et locaux les plus fréquentés par les habitants de cinq des six communes. Il est impossible à priori de dire si les valeurs moyennes utilisées pour trois communes (Bastia, Murato, Bustanico) sont surestimées ou sous-estimées. Il est cependant inquiétant et inadmissible que des valeurs à 19 fibres par litre (en fibres de plus de 5µm) soient tolérées à Bustanico et à Murato, et dans ce dernier village dans l'école maternelle, sans même que l'on sache si les prélèvements ont bien été effectués pendant les heures de présence des enfants et à leur hauteur ! Comme s'il n'existait pas en France une législation limitant l'empoussièrement intérieur en amiante à 5 fibres/l ! Il est par ailleurs pour le moins surprenant que dans ces deux villages les concentrations en fibres dans l'air soient nettement supérieures en intérieur qu'en extérieur, ce qui contribue à mettre en cause les mesures en extérieur avec des prélèvements à hauteur des toits, d'autant qu'à Murato et Moïta par exemple les valeurs en extérieur obtenues lors de cette campagne de mesures sont nettement inférieures aux valeurs relevées dans les années 80, sans explications convaincantes sur l'origine des écarts. 

En conclusion les mesures d'empoussièrement en amiante figurant dans l'étude présentée en préfecture en février 2004 n'apparaissent pas répondre aux critères attendus pour une étude de santé publique en population générale. Tout au plus ces mesures peuvent-elles concerner une population (à supposer qu'elle existe) ayant un travail d'hôtesse d'accueil dans une administration et passant le reste de sa vie sur des toits ou des terrasses, loin de toute source de poussière ! 

Une évaluation pour le moins contestable du risque sanitaire lié à la pollution environnementale par l'amiante : 

Se fondant sur le mode de calcul de risque de cancer du poumon et de mésothéliome (cancer de la plèvre) présenté dans le rapport Inserm sur l'amiante en 1996, le groupe de travail a effectué un calcul de risque pour ces deux types de cancer à Bastia, Bustanico et Murato. Ce faisant on doit tout d'abord remarquer que disparaît toute évocation du risque de fibrose pleuro-pulmonaire due à une contamination environnementale, ce qui n'est pas acceptable, même si les risques de décès par asbestose-aux concentrations d'air rencontrées- sont très peu probables si ne sont pris en compte que les décès exclusivement dus aux fibroses.

Pour effectuer ces calculs, le groupe n'a retenu dans chacune des trois agglomérations qu'une valeur de concentration d'amiante dans l'air, en ignorant de surcroît la pollution par des fibres plus courtes que 5 µm, ce qui pose un double problème :

- A Bastia par exemple, à proximité de travaux de terrassement, il y a 20 fois plus de fibres de moins de 5µm dans l'air que de fibres de plus de 5µm.

- La valeur limite de 5µm pour les longueurs de fibres n'est pas une valeur seuil en dessous de laquelle il n'y a plus d'effets toxiques ; ces effets -au niveau pleural- diminuant de façon continue en fonction de la longueur des fibres.

Ceci étant il a été retenu les valeurs de 1,34 - 4,98 et 2,65 fibres/l pour les concentrations d'amiante dans l'air à Bastia, Bustanico et Murato, valeurs obtenues en pondérant en fonction du temps (40 heures en intérieur pour 128 heures en extérieur) les valeurs moyennes relevées en extérieur au 4ème étage à Bastia, sur les toits et terrasses dans les deux autres communes, et en intérieur dans les halls d'accueil des mairies et de la DDASS à Bastia. Ont ainsi disparues les quelques valeurs de la série Bastia III, toujours recueillies au 4ème étage mais à proximité d'un chantier. En fait tout lieu et toute circonstance (par exemple le passage d'une voiture sur une piste non goudronnée) pouvant entraîner des pics d'exposition, ont disparu du modèle. Ne sont retenues que les valeurs moyennes de concentration en des lieux et circonstances relativement protégés de tout pic de pollution. A Bustanico par exemple le rapport précise que le lieu de prélèvement retenu " a été choisi à une hauteur évitant l'influence du sol " !

Dans ces conditions il apparaît inutile de discuter le détail du calcul de risque dans les trois agglomérations retenues. Les conclusions des auteurs est qu'une " gestion du risque " doit être mise en place à Bustanico et Murato, en raison de " sa faible acceptabilité ", car " en ce qui concerne le risque relatif de mésothéliome, l'exposition telle qu'elle a pu être appréciée, serait susceptible d'être à l'origine d'une multiplication du nombre de décès imputables à cette maladie par 2 à 2,9 chez les hommes et par 2,7 à 6,4 chez les femmes ". Pour Bastia par contre, " en ce qui concerne le risque relatif de mésothéliome, l'exposition (…) serait susceptible d'être à l'origine d'une multiplication du nombre de décès imputables à cette maladie par 1,2 chez les hommes et par 1,48 chez les femmes, valeurs peu probantes. On peut conclure par une meilleure acceptabilité du risque à Bastia que pour les deux autres communes ".On ne peut que s'interroger sur l'étrange mansuétude du rapport à l'égard de Bastia, peut-être en rapport avec les appétits des promoteurs immobiliers locaux.

Ainsi apparaît-il que le groupe de travail, sous la conduite de la préfecture, s'arroge -seul, dans un document non rendu public- le droit de décider si un risque est acceptable ou non. Au mépris du droit des populations concernées à être consultées et à décider si elles acceptent ou non de subir le risque en cause. Conduite qui n'est plus acceptable alors que la France a signé, entre autres textes, la convention d'Aarhus (11) sur le droit des populations à être consultées sur les risques environnementaux et sur leur gestion.

D'autant qu'à Bastia, la série des mesures appelée Bastia III donne -en raison de la fin d'un chantier de terrassement dans le voisinage- des moyennes de concentration en fibres plus longues et plus courtes que 5µm, respectivement de 7,2 fibres/l et de 151,4 fibres/l, valeurs largement suffisantes pour générer avec une probabilité non nulle des mésothéliomes dans la population concernée, même si les temps d'exposition à ces concentrations sont beaucoup plus courts que ceux utilisés dans la modélisation des risques par le groupe de travail.

Pour Bastia et les proches agglomérations la logique aurait impliqué de prendre en considération qu'il s'agit de zones où il y a en permanence, toute l'année, des travaux d'excavation et de terrassement, à la différence de Bustanico et Murato où il n'y a pas eu, récemment, de travaux importants. De fait le seul prélèvement en fin de travaux (Bastia III) ne relève pas d'une situation exceptionnelle, mais -tout au contraire- d'une situation répétitive et relativement continue, soit sur le quartier du Fangu, soit par exemple le long de la vallée à Ville di Pietrabugno.

Indépendamment des trois communes où il y a eu un calcul de risque, trois autres agglomérations (Moïta, Rutali, Corte) ont été concernées par des mesures d'empoussièrement, avec par exemple à Corte, sur un toit, des pics -toutes longueurs de fibres de trémolite- allant jusqu'à 24 et 26 fibres/l avec une moyenne à 11 fibres/l. Mais ces résultats n'ont pas donné lieu à calcul et conclusion !Etrange ! A Moïta les valeurs obtenues sont faibles mais en 1988 (5) elles étaient de l'ordre de 18,5 fibres/l ! Et cependant aucune recommandation n'est donnée pour ces trois communes.

Au final l'évaluation des risques par le groupe de travail n'est pas acceptable pour au moins quatre raisons :

- Elle ignore le risque le plus répandu, celui de fibrose pleurale qui dans une proportion non négligeable des cas a un retentissement sur la fonction respiratoire, sans parler des pleurésies asbestosiques et des asbestoses (fibrose pulmonaire).

- Elle considère comme négligeable le risque de cancer du poumon dans les trois communes étudiées, alors que les pics d'exposition ne sont pas pris en compte, que la nature exacte de la courbe dose-réponse n'est pas connue pour les expositions faibles, pas plus que la contribution des fibres plus courtes que 5µm dans la cancérogenèse au niveau du parenchyme pulmonaire.

- Pour les mêmes raisons, elle minore le risque de mésothéliome, d'autant que -depuis 1960- toutes les études montrent qu'il apparaît des mésothéliomes pour des expositions faibles, professionnelles ou environnementales, ce qui évoque une courbe dose-réponse de type supra linéaire.

- Elle ignore les données de Rey et al. (9) révélant pour la région un risque de décès par mésothéliome de 100 cas pour un million, soit 100 fois plus que l'incidence attendue sans exposition spécifique. Elle ne prend pas en compte ces mêmes données quand elles montrent que 50% des mésothéliomes de la région (qui inclue pourtant la mine de Canari) sont d'origine environnementale, ce qui est considérable et exceptionnel. 

Bilan et conclusions générales  

Indépendamment des réserves et critiques ci-dessus le rapport du groupe de travail, avec juste raison, met l'accent sur la nécessité :

- d'une étude géologique et minéralogique fine des zones d'affleurement afin d'informer complètement les populations concernées sur les risques liés à ces zones.

- de mesures immédiates de gestion du risque à Bustanico et Murato par recouvrement des " zones actives ".

- de travaux d'assainissement et de protection dans les bâtiments recevant du public, leur permettant de respecter la limite fixée réglementairement à 5 fibres/l. A ceci il nous faut ajouter que la recommandation vaut pour tous les bâtiments, et non seulement pour ceux recevant du public.

- de mesures de prévention efficaces pour les " professionnels du bâtiment et des travaux publics ", auxquels nous ajouterons ceux du secteur agricole, ainsi que la nécessité d'introduire dans les textes réglementaires la possibilité d'arrêt de chantier ou de travaux.

- d'une politique rigoureuse de gestion des déchets d'amiante avec ouverture de déchetteries spécifiques.

- d'additifs explicites sur la prévention contre l'amiante environnemental dans les textes réglementaires sur l'urbanisme.

Pour juger de l'accueil qu'ont rencontré ces conclusions au niveau préfectoral, on peut se référer à un courrier du Préfet à l'Andeva en date du 17 juin 2004. Plusieurs des mesures ci-dessus y sont évoquées -mais pas toutes- de façon allusive, sans engagement ferme. A l'exception d'une mesure concernant l'information, faisant état de la plaquette citée ci-dessus, sans doute utile mais insuffisante pour susciter une large prise de conscience et un débat public, d'autant qu'elle énonce plus de vœux que de mesures concrètes, et qu'elle est muette sur les droits à réparation des victimes des pathologies asbestosiques (plaques et épaississement pleuraux, asbestose, pleurésies asbestosiques, cancers du poumon, mésothéliomes).

Or une véritable politique de santé publique apparaît d'autant plus indispensable que de nouvelles données internationales viennent confirmer l'importance du problème, avec la publication prochaine d'une étude de Marc Shenker dont les résultats sont disponibles sur Internet (12). L'étude porte sur 2908 cas de mésothéliomes déclarés en Californie et révèle que la probabilité d'être atteint d'un mésothéliome est directement proportionnelle à la distance entre le lieu de résidence de la victime et la plus proche source d'amiante naturelle, le risque ne diminuant que de 6,3% tous les 10 Km.

En France et TOM le problème ne se pose pas seulement en Corse, mais également en Nouvelle-Calédonie où des excès de mésothéliomes environnementaux ont été mis en évidence et ne sont pas seulement le résultat de la contamination de certaines cases canaques par un enduit à base de trémolite (roche affleurante) utilisé en peinture intérieure et extérieure.

Mais le présent mémoire n'est consacré qu'à la Corse où il n'est pas utile de répéter une nième enquête épidémiologique. Il est nécessaire, en premier lieu, d'informer sur le risque les habitants des 130 communes concernées (y compris Bastia), en précisant la nature des maladies en cause, les mesures de prévention à respecter, et les recours possibles pour obtenir réparation au plan santé des préjudices subis (FIVA pour des non salariés et pour toutes les expositions, hors celles des salariés en milieu de travail ; maladie professionnelle puis faute inexcusable de l'employeur ou FIVA pour les expositions de salariés pendant les heures de travail). Puis de mettre sur pied un protocole de signalement par les médecins de ville et les médecins du travail des maladies liées à une exposition à l'amiante, ainsi qu'une procédure de suivi médical dans les agglomérations les plus concernées, en donnant accès gratuit pour les personnes de plus de 45 ans, à une radiographie thoracique suivi d'un scanner en cas de doute. Mesures complétées par un repérage systématique des circonstances et lieux à l'origine de pics d'exposition, en utilisant une méthode permettant l'obtention des résultats d'exposition en temps réel. Tout repérage d'une zone susceptible d'être " active " devant donner lieu à des mesures de recouvrement et de signalisation. Enfin de renforcer considérablement les mesures de prévention des milieux professionnels concernés, y compris dans l'agriculture. Ceci sans oublier le cas particulier de la mine de Canari et de ses environs, et la nécessité de créer des décharges spécialisées et protégées pour l'enfouissement des déchets et déblais amiantifères.

Mais aucun programme ne prendra corps si ne se structure pas une association locale, combative et bien implantée dans la population qui oblige l'Etat à jouer son rôle de garant de la Santé publique.
Références

(1) Viallat J.R., Boutin C. Radiographic changes in chrysotile mine and mill ex-workers in Corsica. Lung (1980), 157, 155-163.

(2) Viallat J.R., Boutin C., Pietri J.F., Fondarai J. Late progression of radiographic changes in Canari chrysotile mine and mill ex-workers. Arch Env. Health (1983), 38, 54-58.

(3) Billon-Galland M.A., Dufour G. et Gaudichet A. Etude de la pathologie asbestosique liée à l'environnement en Corse. Contrat Inserm (1982-1983).

(4) Steinbauer J., Boutin C. et al. Plaques pleurales et environnement asbestosique en Corse du Nord. Rev. Mal. Resp. (1987), 4, 23-27.

(5) Billon-Galland M.A., et al. Environmental airborne asbestos pollution and pleural plaques in Corsica. Ann. Occup. Hyg (1988), 32, 497-504 Suppl.

(6) Boutin C., Viallat J.R. et al. Bilateral pleural plaques in Corsica : A marker of

non-occupational asbestos exposure. In " Non-occupational exposure to mineral fibres ". IARC Scient. Publ. n° 90, (1989), 406-410.

(7) Viallat J.R., Boutin C. et al. Pleural effects of environmental asbestos pollution in Corsica. Ann. N.Y. Acad. of Sciences (1991) vol. 643, 438-443.

(8) Rey F., Boutin C. et al. Environmental pleural plaques in an asbestos exposed population of northeast Corsica. Eur. Respir. J. (1993), 6, 978-982.

(9) Rey F., Viallat J.R. et al. Les mésothéliomes environnementaux en Corse du Nord-Est. Rev. Mal. Respir. (1993), 10, 339-345.

(10) Kauffer E. et al. Comparaison de deux appareils à lecture directe par rapport à la microscopie optique à contraste de phase pour le mesurage de la concentration en nombre de fibres dans l'air. INRS, CND (2004), 197, 39-52.

(11) Convention d'Aarhus (taper ces termes sur Google, Internet). Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. Approuvée en France par la loi 2002-285 du 28 février 2002.

(12) http://www.eurekalert.org/pub_releases/2005-07/uocd-noa071205.php 

 

Partie 2


Henri Pezerat, Directeur de recherche honoraire au CNRS, Toxicologue. Novembre 2005.

L'amiante environnemental en Corse

Quelques enseignements des mesures prises aux USA dans deux régions (Libby et El Dorado)

 

Le réseau Ban Asbestos du Québec, confronté aux montagnes de déchets d'amiante issus de l'exploitation des mines, nous a signalé qu'un problème identique aux problèmes de Corse et de Nouvelle Calédonie existait en Californie dans la région d'El Dorado. Les mesures prises pour y faire face s'inspirent en particulier d'une première alerte sur l'amiante dans l'environnement d'une mine de vermiculite à Libby dans le Montana.

De ces deux épisodes(*) de lutte contre la contamination par l'amiante environnemental, des enseignements peuvent être tirés, utiles pour affronter en France le même type de problème.

(*) Sur Google on peut consulter : " asbestos in Libby, Montana " et " El Dorado, California, asbestos ". 
Etudes, travaux et sanctions sur le site de Libby (Montana)

Libby compte 2500 à 3000 habitants dans une vallée encaissée où vivent 7 à 8000 personnes. Il y était exploité jusqu'en 1990 la plus grande mine du monde de vermiculite. Le minéral était extrait et chauffé brutalement à haute température pour fabriquer de la vermiculite exfoliée que tout un chacun connaît pour l'avoir utilisé dans son jardin ou ses cultures en pot.

Le problème c'est qu'en 1982 une étude révélait que la vermiculite brute de Libby contenait de 21 à 26 % d'amiante, principalement de la trémolite et de l'actinolite, deux amphiboles. C'est en 1978 que des atteintes pleurales avaient été mises en évidence dans un groupe de douze travailleurs utilisant, en d'autres lieux, de la vermiculite provenant du site de Libby, d'où ensuite dans les années 1980 des études sur les travailleurs de la mine et de l'usine de Libby révélant un accroissement de la mortalité par pneumoconiose (vraisemblablement asbestose) et cancer du poumon.

Dans la même période (années 1980), les études entreprises firent état d'atteintes par des maladies liées à l'amiante, non seulement chez des travailleurs de l'entreprise, mais dans leur famille (contamination dite " domestique "), et chez des résidents de la ville et de ses environs ayant utilisé la vermiculite dans l'isolation de leurs greniers ou comme amendement de la terre de leur jardin, ou encore tout simplement parce qu'ils respiraient un air pollué, ce que révèlent à l'époque diverses mesures de la concentration d'amiante dans l'air en intérieur comme en extérieur .

Ceci étant, comme à l'habitude, aux études ne succédèrent pas rapidement des mesures de prévention. En 1994, quatre ans après la fermeture de la mine, un citoyen alerte les autorités sur les excès de pathologies dus à la pollution par l'amiante. Il se heurte à un refus d'intervention, en particulier de l'EPA (Agence de protection de l'environnement). Ce n'est qu'en 1999 que l'EPA interviendra, la presse ayant relayé des observations sur les excès d'asbestose et de cancer. 11 à 23 % des habitations de Libby apparaîtront alors comme polluées par l'amiante. On nous dira que l'écart de 1982 à 1999 a été bien long, mais en même temps remarquablement plus court que ce que l'on observe en France.

En août 2001 une étude révèle que 30 % des 5590 adultes de la région de Libby ont des anomalies pulmonaires(*). A la même époque l'EPA commence son programme de décontamination des maisons individuelles, pouvant aller dans quelques cas extrêmes jusqu'à la destruction et la reconstruction de la maison. Le site devient prioritaire pour l'action des pouvoirs publics, l'EPA déclarant publiquement que ce n'est pas aux résidents d'assurer les frais de cette opération qui inclue bien évidemment la réfection complète de certaines routes, l'ouverture de sites d'enfouissement des déchets, etc..

 (*) Une autre étude, de 2002, recense sur 6668 résidents ou ex-résidents, 18 % de cas avec anomalies pulmonaires ou pleurales. Chez les ex- employés de la mine : 51 % ont des anomalies pleurales et 3,8 % une asbestose. 

Bien évidemment des questions relatives au financement se sont posées, et le projet initial de traiter 250 maisons individuelles par an a été revu à la baisse, mais l'opération continue et se poursuivra sans doute nettement au-delà de 2007.

Parallèlement plusieurs procédures judiciaires ont été engagées, l'une en 2003 a conduit à condamner l'entreprise responsable à 54,5 millions de dollars pour le seul remboursement des frais engagés par l'EPA ; l'autre en février 2005 est actuellement en cours. Il est réclamé 70 ans de prison pour le principal dirigeant de la compagnie, 55 ans pour deux de ses adjoints, et la modique somme de 280 millions de dollars à l'entreprise !

Enfin il faut noter qu'à partir de 2001 l'EPA a déclenché des inspections sur 173 sites industriels, répertoriés comme gros utilisateurs de la vermiculite de Libby et répartis sur tout le territoire des Etats-Unis. 19 sites ont été ainsi répertoriés et traités comme contaminés par l'amiante. Deux rapports furent également publiés par l'EPA mettant en garde les utilisateurs de la vermiculite issue de cette mine. 

Les enseignements de la contamination par l'amiante de la vermiculite de Libby : 

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cet épisode de contamination d'un minerai par l'amiante. Comme c'est toujours le cas, les autorités en santé publique ne se mobilisent réellement qu'après une médiatisation des risques, sauf qu'elles le font plus rapidement qu'en France. Les exemples miniers à prendre en compte en France sont au moins au nombre de trois :

Premier exemple : celui de la mine de Canari en Corse, mine de chrysotile exploitée de 1942 à 1965, avec une production de plus de 27.000 tonnes en 1961(*). Les actionnaires étaient nombreux mais de fait c'est le groupe Eternit et plus précisément la famille Cuvelier qui ont régné sur l'entreprise. Il a fallu attendre 1992 pour que la mine et son environnement figurent sur l'inventaire national des sites pollués, et 2002 pour que paraisse un appel d'offre pour la mise en sécurité du site, opération qui devrait réellement débuter l'an prochain sous la conduite de l'ADEME avec un budget réduit du ministère de l'environnement, les véritables pollueurs après la fermeture de la mine ayant cédé le terrain " avec ses vices et défauts " à la commune de Canari bien incapable de payer la dépollution du site.

(*) Voir l'ouvrage de Guy Méria : L'aventure industrielle de l'amiante en Corse. Edit. Alain Piazzola. 

Question : les pollueurs étant connus, qu'attendent les pouvoirs publics pour engager des poursuites judiciaires contre Eternit et consorts, contre la famille Cuvelier en priorité, ne serait-ce que pour respecter le principe du pollueur-payeur. Ne pas sanctionner les coupables alors que l'on sait le faire aux USA, est une invitation à négliger totalement les conséquences de la pollution de l'environnement. En 1965, lors de la fermeture, tout était connu sur les risques. C'est donc sciemment qu'Eternit et ses alliés ont trompé,en 1974, une petite commune rurale sur ce que serait l'avenir d'un tel site minier. Le rapport de la Mission d'information du Sénat, paru au moment de la rédaction du présent mémoire, fournit nombre de données (pas toujours exactes) et d'observations sur la mine de Canari. Il souligne -position qui rejoint notre point de vue- que l'ADEME, à l'égal de l'EPA aux Etats-Unis, réclame une mise à contribution d'Eternit pour mener à bien la réhabilitation du site, proposition sur laquelle les sénateurs ne se prononcent pas(**). Le rapport souligne -sans prendre position- à la fois les dangers de l'actuelle situation et le poids de multiples intérêts économiques à courte vue qui s'opposent à la mise en œuvre d'une véritable politique de prévention.

(**) Bien que conforme à l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 mars 2005 qui considère que les clauses contractuelles conclues entre le vendeur et l'acheteur d'un site pollué ne peuvent exonérer le dernier exploitant d'une installation classée de son obligation légale de remise en état du site (cf. lettre Lamy/environnement n° 267, 7 juillet 2005), cette mise en cause de la société qui exploitait la mine (la SMA) se heurtera sans doute à des obstacles juridiques si la dite société a disparu. 

A l'aspect réhabilitation du site, il faut bien sûr ajouter prioritairement le suivi médical post professionnel et environnemental pour les ex-travailleurs de la mine et pour les habitants des communes proches. Là encore un tel suivi devrait être mis à la charge des anciens employeurs, au prorata de leur participation dans le capital de l'entreprise. 

Second exemple minier : celui concernant tout ou partie des mines de nickel en Nouvelle Calédonie. Pour l'instant les autorités publiques font la sourde oreille à toute demande d'enquête, mais il faudra bien trouver par exemple l'origine d'au minimum 20 cas de mésothéliome de 1984 à 2002 dans la commune de Houaïla où ont lieu les premiers chantiers d'extraction du minerai de nickel. Il est insuffisant de réduire l'affaire des excès de mésothéliome dans l'île à l'utilisation pour le blanchiment de certaines cases canaques, d'une poudre minérale issue d'affleurements d'amiante trémolite dans plusieurs parties de l'île.

Troisième exemple minier : celui de la mine de tungstène d'Anglade(*) à Salau dans les Pyrénées, fermée dans les années 1980 où la roche extraite était riche en actinolite (une amphibole). Les mineurs ont été dispersés, mais il reste des montagnes de stériles, riches en amiante, dans une région heureusement peu peuplée. La mine avait été ouverte en 1970. Une enquête locale et une recherche du devenir des mineurs devraient être entreprises, là encore en mettant l'entreprises et ses dirigeants à contribution.

(*) La seule étude conséquente sur les risques et les cas de fibrose pleuro-pulmonaire chez les mineurs a été rédigée par le " Collectif maladies et risques professionnels " de Jussieu en 1986, puis envoyé -y compris au Ministère du travail- par la " Boutique de sciences de Jussieu ".

Au-delà de la pollution de l'environnement par l'amiante provenant des sites miniers, et indépendamment des problèmes liés à " l'amiante en place ", il convient de faire un bilan des risques environnementaux à proximité des sites industriels ayant eu une importante utilisation d'amiante. A ce sujet, suite à une demande d'étude par le Ministère de l'emploi et de la solidarité, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a édité en décembre 2001 un rapport intitulé : " Evaluation de l'exposition aux fibres d'amiante des populations riveraines d'anciens sites industriels d'exploitation ou de transformation de l'amiante "(**).

(**) Ce rapport de 115 pages est consultable sur le site : http://infoterre.brgm.fr/PDF/RP-51089-FR.pdf  

Il est à remarquer que ne sont pas pris en compte un certain nombre d'usines ou chantiers, gros utilisateurs d'amiante (par exemple chantiers navals, sidérurgie, chimie et pétrochimie). Par ailleurs si le titre du rapport laisse penser qu'il y a eu une évaluation réelle de l'exposition des populations riveraines, il apparaît qu'en réalité il ne s'agit que d'un dénombrement des sites suspects, soit 423 sites, et d'une inspection sommaire -de l'extérieur- de la majorité d'un échantillon de 94 sites.

Pourquoi seulement 94 sites ? Probablement parce que le contrat ne permettait pas -financièrement parlant- de faire mieux. Aussi dans un premier tri 204 entreprises de pose d'isolation ou de distribution de produits amiantifères ont été écartées. Restaient 219 sites parmi lesquels n'ont été retenus non pas les plus susceptibles d'avoir pollué l'environnement -donnée difficile à repérer à priori- mais ceux localisés dans les 11 départements ou il y avait plus de 5 sites recensés ! D'où la liste des 94.

Pour la majorité des 94 sites les fiches ajoutent quelques lignes de description du site, de son environnement et de son utilisation actuelle, avec dans la majorité des cas une ou deux photographies d'usine. Dans quelques cas -relativement rares- il est fait état d'analyses d'amiante dans les sols et l'eau, et encore plus rarement d'analyses d'amiante dans l'air. 

Deux questions :

-quelle information a été diffusée aux mairies et aux DDASS sur les risques potentiels liés à ces sites, par le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, par la Direction générale de la santé et par l'Institut de veille sanitaire, membres du Comité de pilotage du projet ? Probablement aucune.

-qu'en est-il de la grande majorité des sites non classés comme " à risque avéré et maîtrisé " ? En effet 13 sites seulement (sur 423 !!) sont déclarés " à risque avéré et maîtrisé ". Nous connaissons au moins l'un d'entre eux (le CMMP à Aulnay sous Bois) où la population riveraine témoigne depuis des mois, y compris par des manifestations, qu'elle considère le risque comme nullement maîtrisé. Pendant tout un temps, tout un chacun pouvait pénétrer sur ce site et encore aujourd'hui les jours de grand vent il relâche des fibres sur l'école maternelle voisine. Mais ce site -sur les 13- est le seul à ma connaissance à être l'objet d'une attention vigilante et permanente de plusieurs associations locales. Qu'en est-il des 410 autres sites ? Et des sites écartés de l'étude car encore en activité, avec parfois comme aux environs d'Eternit à Prouvy des montagnes de déchets insuffisamment protégés, sans parler du revêtement des allées de jardin par des débris d'amiante-ciment obligeamment fournis par l'entreprise !

Au minimum on est en droit d'attendre des pouvoirs publics un courrier aux Conseils municipaux concernés (les 423 et les autres) leur communiquant les données recueilles sur les sites industriels de leur commune ayant exploité ou transformé l'amiante. Ce courrier devrait proposer aux municipalités d'informer la population (par exemple par les bulletins municipaux):

o Sur les risques à très long temps de latence (20 à 50 ans), de fibroses pleurales et pulmonaires et de cancers pouvant toucher soit des travailleurs anciennement exposés dans l'entreprise en cause, soit des personnes ayant vécu dans son entourage. A titre d'exemple de risques pour les populations ayant vécu dans l'environnement d'une entreprise, les associations à Aulnay sous bois (93), regroupées en Collectif ont recensé plus d'une vingtaine de victimes de l'amiante sans exposition professionnelle mais ayant vécu dans un rayon de 500 mètres autour du CMMP et sensiblement le même nombre de victimes d'exposition professionnelle.

o Sur la nécessité de désamianter selon les règles tout bâtiment ayant appartenu à l'entreprise en cause, avant sa démolition.

o Sur les risques liés aux sols de l'entreprise et des lieux utilisés comme décharge, risques qui impliquent que toute intervention lourde sur ces sols doit être précédée et accompagnée d'analyses pour éviter la dissémination d'amiante durant les travaux.

o Sur la nécessité de mesures d'amiante dans l'air dans tout bâtiment public ou privé, ayant pu être contaminé en raison de sa proximité avec des sources de pollution,( anciennes ou récentes ) en s'inspirant des techniques de mesure dont il sera question ci-dessous à propos du site d'El Dorado. Il est en effet à remarquer, à partir des exemples en Corse, aux Etats-Unis et au Québec, que les bâtiments peuvent jouer un rôle de piège pour ce type de pollution, piège à poussières qui se remettent en suspension en fonction de l'activité dans les locaux.

De plus il serait indispensable que les DDASS adressent un courrier à tous les médecins de ville concernés leur demandant un signalement de toutes les pathologies asbestosiques (au minimum fibroses pleurales et pulmonaires et mésothéliomes), afin que ces DDASS ou les médecins puissent ensuite faire connaître aux victimes et ayants droit leurs possibilités d'obtenir réparation.

L'ensemble des mesures de prévention et de réparation à prévoir au voisinage des mines d'amiante (ou de minerais contaminés par l'amiante), tout comme au voisinage des entreprises transformatrices ou utilisatrices d'amiante, représente un programme à construire avec un important budget à la clef. Pour l'heure on peut être certain que ce programme ne verra pas le jour ou sera réduit à la portion congrue s'il n'y a pas obligation, par la loi ou les tribunaux, de faire reposer tout ou une importante partie des coûts d'études et de travaux, sur les pollueurs connus et leur patrimoine.

El Dorado, Californie, ou comment évaluer la pollution de l'air par les affleurements d'amiante dans les sols :

Depuis deux ans le problème des affleurements de roches amiantées fait partie des préoccupations de santé publique aux Etats-Unis. Des affleurements de serpentine contenant des veines de chrysotile, ainsi que de roches riches en trémolite et actinolite existent dans 20 Etats (sur 49) et, pour la seule Californie, dans 44 des 58 comtés. Pour l'instant, à notre connaissance, il n'y a pas de véritable programme national de repérage précis et de travaux pour empêcher les émissions d'amiante dans l'air.

Il y a par contre une expérience pilote dans le comté d'El Dorado en Californie pour optimiser l'étape des études préalables et des travaux de confinement des sources de pollution. Dans ce comté le danger a été signalé en 1998, mais le peuplement des zones à risque datant surtout des 20 dernières années, il n'y a pas eu d'enquête médicale -compte-tenu des temps de latence des pathologies en cause- permettant de quantifier l'impact sanitaire des affleurements. C'est l'expérience acquise autour de la mine de Libby qui a permis aux professionnels de l'EPA de dégager trois leçons qui ont permis d'aborder valablement l'étude et la gestion des risques dans le comté d'El Dorado, et qui permettront demain de mener de telles actions en Corse et en Nouvelle Calédonie.

Ces trois enseignements qu'il faut désormais prendre en compte sont les suivants :

- Des sols et débris contenant moins de 1 % d'amiante peuvent relâcher dans certaines circonstances de l'amiante dans l'air à des concentrations inacceptables.

- Le facteur critique conditionnant le niveau de pollution est le degré de perturbation de ces sols ou débris, associé au niveau d'activité humaine sur le site ou à proximité, mais également parfois à d'autres facteurs comme le vent et la sécheresse.

- Dans ces conditions les recueils " passifs " d'échantillons d'air -comme sur une terrasse au 4ème étage à Bastia- n'ont pas valeur pour apprécier le niveau d'empoussièrement, de contamination, d'humains en activité ou à proximité immédiate d'autres personnes en activité. Seuls sont alors recevables les échantillonnages " dynamiques " où le capteur d'air est porté par les personnes présentes sur un site, en intérieur ou extérieur, lors d'épisodes de travaux , de sport et en général d'activités génératrices de poussière, y compris sur un chantier de travaux publics ou au bord d'une route non goudronnée à l'occasion du passage de voitures. Les prélèvements " passifs ", en intérieur et en extérieur, hors activité ou perturbation, doivent, dans la mesure possible, être également recueillis. Ils rendent compte alors soit des activités de voisinage non immédiat, ou du bruit de fond du site en situation non perturbée.

C'est sur ces bases que l'EPA intervint en 2003 dans un lycée et ses environs, dans le comté d'El Dorado en Californie. 400 échantillons d'air et 180 de sols furent recueillis en focalisant l'attention sur les personnes présentes sur les aires de jeux, les terrains de football et de baseball, les sentiers de promenades en vélo ou de jogging, etc.. Les échantillons furent examinés au microscope électronique à transmission (norme ISO) en décomptant soit les seules fibres de longueur supérieure à 5µm, soit toutes les fibres de longueur supérieure à 0,5µm. Pour les premières les valeurs moyennes obtenues allaient de 6 à 34 fibres par litre, pour les secondes de 40 à 530 fibres par litre (activité : vélo, jogging, jeux d'enfants, base-ball). Trémolite et actinolite dominaient dans le domaine des longues fibres et chrysotile dans celui des fibres courtes. Ces valeurs considérées comme inacceptables entraînèrent des travaux de recouvrement de voies, de déplacement d'aires de jeux et de sports, etc.. Le comté a engagé une équipe de 12 personnes et un géologue pour une inspection permanente en tous lieux avec toute une liste de règlements et de conseils à la population(*). Des cartes géologiques mettant en évidence les zones d'affleurement sont sur Internet.

 (*) Pour plus d'informations consulter par exemple sur le site " El Dorado, California, asbestos ", les documents " Fact sheet. Naturally Occuring Asbestos (NOA) in El Dorado County " et " Beacom. Dust enforcment program ". 

Concernant les conséquences possibles pour la santé, l'EPA n'exclut pas de voir apparaître des pathologies chez les moniteurs, les chargés de maintenance en extérieur, et chez certains sportifs ayant séjourné dans le lycée concerné.

Que conclure au niveau de la Corse et de la Nouvelle Calédonie, sinon que les trois leçons tirées des expériences de Libby et d'El Dorado sont transposables et doivent être acceptables comme telles par les professionnels français. Avec une réserve que l'on ne manquera pas de nous opposer au niveau du coût de telles opérations de prévention. On pourra d'autant moins rejeter cette réserve qu'il est certain que même aux Etats-Unis il n'y aura pas d'opérations comme celle d'El Dorado au voisinage de toutes les zones d'affleurements d'amiante, vu leur nombre et le niveau des crédits.

Aussi, en conclusion, semble-t-il nécessaire, par exemple dans un programme européen, de rechercher les possibilités d'utilisation d'appareils à lecture directe dans un protocole standard de simulation d'activité. Une telle étape devrait permettre, à moindre coût, de dépister avec l'aide de géologues, les zones les plus actives, permettant ainsi une information de la population et les travaux d'urgence. Avant alerte et travaux, dans chaque zone sélectionnée devraient être prélevés, toujours dans un protocole standard de simulation d'activité, deux ou trois échantillons pour examen au microscope électronique à transmission.