Tout a
commencé il y a un an par un courrier du Cabinet
du ministre de la Défense en réponse
à une lettre de Ban Asbestos-France, protestant
auprès de Madame Alliot-Marie contre l'envoi du
Clemenceau en Inde, exportation illégale de
produits toxiques au regard de la convention de
Bâle ratifiée par la France et l'Inde. Dans
le courrier ministériel du 1er février
2005, figurait le premier mensonge d'Etat :
décontaminé à 90% il ne devait
rester dans le porte-avions " que 22 tonnes d'amiante
".
Il s'ensuivit une
incroyable odyssée judiciaire, en France et en
Inde, qui aujourd'hui met les plus hautes Cours de
justice de ces deux pays - la Cour Suprême en Inde,
le Conseil d'Etat en France - dans l'obligation de se
prononcer sur le devenir de ce navire en
référence aux règles de droit,
nationales et internationales.
Il n'est pas
nécessaire de revenir sur les détails de la
" ballade du Clemenceau " que les médias ont
largement relayés. Elle a fait prendre conscience
à l'opinion publique que l'arrogance des pays
européens se mesure à cette impunité
revendiquée d'envoyer les navires en fin de vie du
" vieux " continent, contaminés par de dangereux
cancérogènes (amiante,
polychlorobiphényls) et autres toxiques, menacer
la vie et la santé de milliers de travailleurs
indiens sur-exploités avec la complicité
d'une industrie battant pavillon
panaméen.
Il appartient
à la justice de se prononcer. Mais nous voulons
souligner pourquoi cette saga du Clemenceau laissera des
traces profondes, quelle qu'en soit l'issue. Cette lutte
a en effet contribué à ouvrir des
débats de fond notamment sur la nécessaire
interdiction mondiale de l'amiante et au-delà sur
la mise sur le marché et le devenir des produits
toxiques
Son importance politique s'inscrit aussi
dans la diversité et les formes de
coopération multiples qui ont permis sa force et
son impact.
Pour
mémoire, en France, en Inde, et beaucoup plus
largement de par le monde :
- Des
réseaux nationaux et internationaux ont
contribué à éclairer, par leur
soutien et l'expérience venue d'autres luttes,
les enjeux politiques fondamentaux de l'envoi du
Clemenceau en Inde.
- Des militants
associatifs, des syndicalistes et des scientifiques
ont passé des jours et des nuits à
travailler, mobiliser, agir et informer.
- Des avocats
n'ont mesuré ni leur temps, ni leur courage,
pour oser, au nom des droits d'invisibles victimes,
affronter au tribunal les représentants et
avocats de l'Etat et d'une entreprise multinationale
puissante
- Des
journalistes de divers pays ont repris le chemin de
l'enquête d'investigation
Rien de tout ce
travail n'aura été inutile, y compris la
démarche d'un chef d'entreprise sous-traitante qui
a rompu le secret industriel. Cette lutte appartient
à tous ceux qui y ont apporté leur
contribution. C'est le fruit d'un magnifique travail
collectif. Pour que d'autres actions de même
ampleur demeurent possibles, nul ne doit - au risque d'en
briser les ressorts et la mémoire - s'approprier
celle-ci.
La Commission
Européenne a fait savoir vendredi qu'elle
considérait que le Clemenceau " pourrait
être en infraction avec la convention de
Bâle, transposée dans le droit communautaire
en 1993 ". Soyons prêts à demander la
saisine de la Cour de Justice européenne, afin
qu'au terme d'une odyssée pitoyable, le Clemenceau
fasse jurisprudence à l'échelle du
continent européen pour une interdiction effective
de l'exportation des déchets toxiques.