Communiqué
de presse du 17 novembre 2005
BAN ASBESTOS
FRANCE
Le
Clemenceau : On nous a
menti
Dans un courrier
du Ministère de la Défense du 13
février 2005, le Directeur adjoint du Cabinet du
Ministre nous écrivait :
" Le
désamiantage réalisé dans le port
militaire de Toulon comprend le retrait de l'amiante
visible et directement accessible sans travaux de
découpe ou de déconstruction portant
atteinte à l'intégrité du navire. Il
est en effet nécessaire de préserver la
structure du navire pour permettre son exportation vers
un chantier de démolition. Dans la pratique, 90%
de l'amiante sera enlevé, le reliquat, environ 22
tonnes, sera traité en Inde par la
société Luthra Group sous l'encadrement de
la société française Technopure,
responsable du désamiantage à
Toulon".
Rappelons que la
SDIC est une société écran
panaméenne, filiale du groupe sidérurgiste
allemand Thyssen, qui a passé contrat avec l'Etat
français le 20 octobre 2003 pour transfert et
démantèlement du Clemenceau en Inde. Avant
le départ du navire, la SDIC devait charger la
société Technopure d'enlever tout l'amiante
accessible, dans la mesure où ces
opérations ne portaient pas atteinte à
l'intégrité du navire.
Or aujourd'hui la
dite société Technopure assigne en
référé la SDIC et l'Etat
français pour faire reconnaître que leurs
agissements lui ont porté tort.
L'assignation de
la SDIC et de l'Etat français en
référé par Technopure fait
apparaître quatre points importants.
I - Contrairement
aux affirmations ministérielles, ce n'est pas 90%
de l'amiante qui auront été enlevées
mais 70 tonnes sur un total minimum de 220 tonnes. Dans
un interview à Ouest France en date du 10 novembre
2005, le préfet maritime de Brest indique, quant
à lui, que le Clemenceau contenait 250 tonnes
d'amiante. Il reste donc dans le navire environ 180
tonnes d'amiante ! La raison est que la SDIC seule, ou la
SDIC avec l'accord de l'Etat français, a choisi,
parmi les options offertes par Technopure, la moins
onéreuse (3 millions € au lieu de 6 millions
€).
Les
opérations de désamiantage ayant
été effectuées sous la surveillance
du Contrôle général des
armées, l'Etat français pouvait-il ignorer
que seules 70 tonnes d'amiante avaient été
extraites du navire lorsqu'en février 2005,
Technopure a achevé les travaux? On peut d'autant
plus en douter que l'Etat semble avoir admis - suite
à l'action engagée devant les tribunaux par
Ban Asbestos et l'Andeva - qu'une autre tranche de
travaux était nécessaire.
II - Des travaux
complémentaires ont été
confiés au cours de l'été 2005
à la Société Prestosid. Leur but
n'était pas l'enlèvement d'un surplus
d'amiante mais essentiellement une consolidation
provisoire de l'amiante friable dans les structures du
navire en pulvérisant un surfactant en surface : "
opération cosmétique " permettant des
mesures satisfaisantes d'amiante dans l'air des
structures du navire et destinée à faire
croire - aux autorités indiennes ? - que le
Clemenceau avait été
désamianté.
III - Le
marché de travaux du 4 février 2004 entre
les sociétés SDIC et Technopure, dans
chacune des 2 propositions devant être soumises
à l'Etat français, précisait
:
" Sont cependant
expressément exclus des prestations les
éléments suivants :
-
l'amiante non friable ou défini comme tel, dont
notamment les dalles de sol, plaques d'amiante ciment,
enduits et peintures bitumineux, etc.
- l'amiante
lié ou fortement lié dont notamment les
câbles, colles, sous faces de planchers hauts,
peintures intumescentes, joints, joints de brides,
etc. "
Ainsi alors
même que ces opérations ne mettaient pas en
péril le remorquage du navire, il était
convenu de laisser dans le navire une importante fraction
de l'amiante.
Dès le
départ de l'opération dite de
désamiantage à Toulon, il était donc
prévu de ne s'attaquer qu'à l'amiante
très visible et très accessible lors d'une
inspection sommaire de la coque avant son départ
en Inde.
IV - L'action en
référé engagée par la
société Technopure nous apprend
également :
o Que le
navire contient dans ses soutes, canalisations, etc.
des substances dangereuses (gazole, mazout, huile,
oxygène
). Pratique inadmissible compte
tenu des travaux de découpe au chalumeau qui
s'avéreront nécessaires lors du
démantèlement.
o Qu'il
contient également 2000 plaques
radio-luminescentes au tritium, non localisées,
qui, cassées, sont un matériau
radioactif , donc également interdites
d'exportation vers un pays comme l'Inde. Il aurait
dû être ajouté la présence
de PCB dans de multiples câbles et
matériaux électriques également
interdits d'exportation.
L'ensemble de ces
éléments montrent que le transfert du
Clemenceau en Inde pour démantèlement
constitue une opération masquée
d'exportation de déchets - notamment d'amiante et
de déchets radioactifs - en toute infraction au
regard des règles de droit en la
matière.
Compte-tenu de
ces révélations, nous considérons
qu'il appartient au Président de la
République, chef des armées et garant du
respect des traités internationaux, de faire en
sorte que le contrat - illégal - passé
entre le Ministère de la Défense et la SDIC
soit annulé. Alors que le Sénat vient
d'adopter un rapport accablant sur la
responsabilité de l'Etat en matière
d'amiante, la puissance publique doit respecter tant la
réglementation européenne que la convention
de Bâle et se donner les moyens nécessaires
pour qu'un chantier naval français prenne en
charge le désamiantage et le
démantèlement des navires
réformés.